Le portrait de groupe de quelques ados d’Aulnay-sous-Bois. Un premier film emballant.
En anglais, swagger signifie frime, esbroufe, fanfaronnade… Parmi la dizaine d’adolescents du collège Debussy d’Aulnay-sous-Bois présents dans ce film, certains incarnent ce mot, d’autres pas du tout. Mais on comprend pourquoi Olivier Babinet a choisi ce titre : que ces jeunes soient frimeurs ou timides, extra ou introvertis, ils ont accepté d’être filmés, donc de s’arracher provisoirement à leur routine, à leur condition d’invisibles ou de matière à fantasmes pour ceux qui ne vivent pas dans les quartiers.
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En résidence immersive à Aulnay, le réalisateur a passé du temps à leurs côtés, a gagné leur confiance, avant de les filmer en les questionnant sur leur vie, leurs désirs. Et c’est le premier effet swag de Swagger : la cinégénie, la présence, la malice, l’intelligence de ces kids.
Loin des images de la banlieue
Ecoutons par exemple Naïla qui, du haut de ses 12 ou 13 ans, explique pourquoi l’architecture des grands ensembles est nocive pour ses habitants : avec les mots de son âge, elle dit mieux les choses qu’un architecte ou un urbaniste. Ou regardons l’incroyable Régis, une star née, gamin rondouillard à lunettes qui a le goût de la sape et espère devenir styliste : il a déjà la prestance et le cool d’un Lagerfeld ou d’un Gaultier.
Le deuxième effet swag du film est là, dans sa façon de redéfinir ce qu’est être un ado en banlieue, loin des habituelles images anxiogènes ou misérabilistes. Ceux-là ne sont ni rappeurs, ni dealers, ni incendiaires, ni victimes expiatoires de la société, mais simplement des enfants qui rêvent (ou angoissent) leur avenir.
Entre quotidien et imaginaire
Et justement, il arrive qu’Olivier Babinet décolle du documentaire pour épouser leur imaginaire, comme dans cette étonnante séquence où une attaque de soucoupes volantes se substitue aux habituels hélicos et drones de surveillance policière pour pilonner Aulnay. On suppose que la scène est elle-même filmée avec des drones, qui remplacent toutes les onéreuses grues et Louma du monde et se faufilent partout, notamment entre les tours des cités comme dans les clips de PNL.
C’est la troisième couche de swag, cette audace dans le mélange des genres, du docu et de la fiction, striant le réel le plus prosaïque par des embardées fantastiques, transformant une cité du 9-3 en champ de bataille à la Lucas-Spielberg ou un lycée en territoire de comédie musicale. Babinet ordonne ainsi un va-et-vient aussi surprenant que convaincant entre le quotidien de ces collégiens et leur imaginaire.
Plus qu’un banlieue-film novateur qui échappe à toutes nos attentes sur le genre, Swagger rafraîchit et réinitialise notre regard sur ce que peut le cinéma.
Swagger d’Olivier Babinet (Fr., 2016, 1 h 24)
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