Il est à Tel-Aviv, elle est à Paris avec leur bébé. L’étude profondément humaine d’une relation par écrans interposés.
Dans la pénombre d’une chambre, un homme et une femme font l’amour sans se toucher. On croit à un défi lancé par des amants complices. Il·elles se regardent, se parlent, leurs corps s’animent mais restent séparés. Ce n’est qu’au matin que l’artifice est dévoilé : Julie et Yuval ne sont pas au même endroit. Elle est à Paris, lui, à Tel-Aviv.
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Depuis cette séparation contrainte, il·elles vivent par écrans interposés, cherchent à préserver leur vie de couple et de famille (il·elles ont un bébé) via de longs moments passés sur Skype – parfois sans rien se dire, juste pour “être ensemble”. Tout le film (hormis une séquence en mer) est construit selon ce principe d’échanges virtuels.
La mise en scène est confiée à ces minuscules objectifs (intégrés à nos téléphones, tablettes, ordinateurs…) et aux personnages, chefs d’orchestre libres de les allumer ou de les éteindre.
D’un côté et de l’autre de l’écran, nulle soumission au possible carcan du film concept – concept qui ravive ici les souvenirs de nos semaines confinées
La caméra est réduite à ses propriétés d’enregistrement et les “cobayes” de cette expérience longue distance habitent son champ de vision restreint comme des poissons dans un aquarium domestique. Nous voilà spectateur·trices-voyeur·euses d’une intimité, pris·es en étau entre des regards qui ne nous sont pas destinés (ces regards caméra interdits au cinéma). Pourtant, d’un côté et de l’autre de l’écran, nulle soumission au possible carcan du film concept – concept qui ravive ici les souvenirs de nos semaines confinées.
Une épreuve, mais pas une fatalité
A cœur battant évite subtilement les poncifs de ce sous-genre et ce qui s’y joue ne vaut jamais comme faire-valoir d’un système dont l’exubérance affichée masquerait l’absence de vision. Le deuxième long de Keren Ben Rafael établit un juste équilibre entre les prouesses immersives et théoriques voulues par sa forme et son histoire d’amour délitée.
Autre qualité d’un film hyperconnecté et profondément humain : balayer les prophéties technophobes sur la fin de l’amour à l’heure du numérique – c’est une épreuve, certes, mais pas une fatalité. L’examen le plus rude à passer, semble-t-il, est celui du quotidien – charge mentale pour elle, lâcheté pour lui – quand l’incompréhension se change en incommunicabilité.
A cœur battant de Keren Ben Rafael, avec Judith Chemla, Arieh Worthalter, Noémie Lvovsky (Fr., Isr., 2019, 1h30)
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