Avec « Supercondriaque », farce confuse et moralisatrice, Dany Boon exhibe son impuissance comique. C’est grave, docteur ?
Le sujet
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Reconnaissons une grande qualité à Dany Boon : son sens du contemporain, en d’autres termes son flair industriel. Après avoir surfé sur la peur de la mondialisation et le repli communautaire dans Bienvenue chez les Ch’tis (qui affola les curseurs du box-office), l’acteur et réalisateur a trouvé une nouvelle poule aux oeufs d’or : l’hypocondrie. Soit cette peur de la maladie, qui se traduit par un phénomène de surmédicamentation et une consultation de forums spécialisés façon Doctissimo. Pour Dany Boon, le calcul est simple, limpide : 66 millions de français gobeurs de médocs, c’est autant de spectateurs potentiels. Et cela suffit à justifier un film : Supercondriaque, donc, l’histoire d’un obsessionnel du microbe (Boon himself) qui pourrit la vie de son entourage mais trouvera le remède à ses problèmes grâce à l’amour. Sujet de société + comédie romantique = banco.
Le souci
Si l’on estime que la nullité est un labeur, qu’atteindre le point culminant du vide réclame un peu d’effort, disonsle sans précaution : Supercondriaque est le film de la maturité pour Dany Boon. C’est la première fois que l’humoriste fait preuve d’une telle application dans le rire-pas-drôle et dans le filmé-moche, la première fois qu’il exhibe autant son impuissance de cinéaste et d’auteur comique. Mais c’est aussi son film le plus foutraque, un work in progress qui passe de la comédie réaliste à la romance avant d’échouer sur une tentative aberrante de cinéma d’action. Tout n’étant bien sûr qu’un prétexte à l’habituelle morale consensuelle d’un cinéaste qui se rêvait professeur : les médicaments, c’est pas top et la vie c’est mieux à deux. Merci pour l’information.
Le symptôme
Dany Boon avait un autre projet avant Supercondriaque : conclure sa trilogie du Nord avec Une jolie ch’tite famille. Mais son entourage et la critique l’ont convaincu de changer d’horizon, explique-t-il dans le dossier de presse. Ce qu’il ne dit pas, à l’inverse, c’est qu’il a dû avoir les oreilles bien échauffées après la polémique lancée fin 2012 par une tribune du distributeur Vincent Maraval, “Les acteurs français sont trop payés”, dont il était l’une des cibles principales. Supercondriaque, à ce titre, pourrait être le premier film post- Maravalgate, une comédie consciente de ses excès de fric et obsédée par l’idée absurde de justifier son opulence : plutôt que de penser le film, d’écrire des vannes efficaces, Dany Boon parie sur plus de techniciens, plus de décors, plus de budget explosions. Il n’y a rien de pire, au fond, qu’un nouveau riche complexé par sa fortune.
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