Ringardissime et jamais drôle, la nouvelle comédie de Philippe Lacheau renvoie une image décourageante du rire à succès en France.
Il faut toujours savoir rester humble face au succès, et celui de la “bande à Fifi” (la troupe de comédiens-réalisateurs formée autour de Philippe Lacheau) n’est bien sûr plus à démentir, avec déjà vingt millions de spectateur·trices rassemblé·es par huit comédies (Babysitting, Alibi.com…) sorties en moins d’une décennie. Mais plus les films passent, et moins on se l’explique a fortiori depuis les deux derniers, qui tirent le fil d’une sorte de médiocrité revendiquée.
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Car avec Super-héros malgré lui, Lacheau poursuit d’une certaine manière la veine de sa précédente réalisation, Nicky Larson et le parfum de Cupidon, transposition inexplicable du City Hunter de Tsukasa Hoso (devenu un objet culte des années Dorothée) dans le terrain de la comédie surproduite à la française. Veine consistant donc à s’emparer d’un petit doudou d’entertainment étranger, très lié à l’enfance, et à se le réapproprier, mais sans jamais vraiment choisir de quelle manière exactement, et donc en oscillant nonchalamment entre le premier et le second degré, entremêlant la parodie bon enfant, l’hommage appliqué, et le piratage pur et simple.
Blockbuster et nanar
C’est au genre super-héros que Lacheau réserve cette fois-ci ce traitement. Déguisé en éternel loser à tignasse et hoodies, il incarne un acteur raté qu’un hasard va propulser tête d’affiche de Badman, une tentative de film de super-héros hexagonal. Victime d’un accident alors qu’il rentre chez lui en costume, il va perdre la mémoire et, à son réveil, se prendre pour son personnage – occasion pour lui d’enfin prendre un peu confiance et cesser de se comporter comme une victime.
Lacheau n’arrive jamais à décider ce qu’il veut tirer de cette idée, ou plutôt il s’autorise à tout y prendre, en dépit de tout souci de cohérence. Dans telle scène, il va se mettre à faire des pirouettes surhumaines ; cinq minutes plus tard, son personnage cabotine sur le mode éculé du justicier balourd qui ne sait rien faire de ses dix doigts. Quand ça l’arrange, Badman est un nanar ; un peu plus loin, c’est limite un blockbuster. Surtout, Super-héros malgré lui passe sans cesse de la parodie attendue (collectionnant les citations des Avengers, du Dark Knight, des X-Men) à quelque chose qui serait plutôt de l’ordre du pastiche : le film a un côté suédage appliqué (sans le charme de l’artisanat – on est quand même sur une facture à 15 millions), qui peut parfois complètement se désintéresser de la comédie dans certaines longues scènes de quasi-mélo – scènes qui ne fonctionnent en réalité ni dans le tragique, ni dans le comique, et dont la seule fonctionnalité semble la contrefaçon gentillette.
C’est comme si Lacheau nous disait : “regardez, vous avez vu, c’est sympa, on s’est déguisés !” et que d’une certaine manière c’était censé suffire. C’est cela qui est révoltant dans ses comédies : elles n’existent et ne peuvent exister que dans un paradigme de cinéma français qui accepte et même revendique sa médiocrité. Jamais un tel film ne se ferait s’il y avait dans la chaîne décisionnaire une seule personne qui ne se contentât pas de jouer au carnaval et réchauffer des recettes de soupe. Mais par une opération du saint esprit du box-office, la bande à Fifi a la place, et l’occupe donc sans se fouler, en mâchonnant deux ou trois gimmicks “humoristiques” complètement à bout de souffle qui suffisent à pérenniser son succès. On a parfois le sentiment qu’elle prend pour acquis de voir ses films bébêtes trôner éternellement au sommet du box-office comme des dessins d’enfants sur un frigo. Attention tout de même, car le personnage de l’ado attardé à voix traînarde et regard de cocker pourrait finir par arriver à péremption : les gars, vous avez 42 ans.
Super-héros malgré lui de Philippe Lacheau, en salle le 2 février
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