Le réalisateur du “Fils de Saul” se perd entre fresque historique et formalisme hystérique.
2015, le Grand prix décerné au Fils de Saul à Cannes était doublement exceptionnel. Il consacrait autant l’incroyable précocité d’un cinéaste, László Nemes, que la réussite d’un dispositif (longs plans rivés sur la nuque du personnage principal, hors-champ omniprésent par le son et le flou), permettant de faire de l’Holocauste un objet de fiction sur un terrain où beaucoup d’œuvres, de Kapo à La Vie est belle, avaient trébuché. Ne voulant pas s’affranchir d’un procédé qui lui a valu tant de prix à l’international, Nemes le redéploie à l’identique dans Sunset provoquant chez nous un sentiment bien singulier : celui d’exécrer le film d’un auteur pour les mêmes raisons que celles qui nous ont fait admirer sa précédente œuvre.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
Comme cette dernière, Sunset est traversé par une idée de démonstration permanente : c’est un théâtre de marionnettes enfermées où les personnages sont enchaînés dans leur moindre geste à tout un attirail technique et mécanique. L’acteur semble suivre, s’accorder aux déplacements de la caméra, et non l’inverse. En cela, Sunset est très éclairant. Il permet de prendre du recul, de mieux saisir ce qui faisait précisément la force et l’aboutissement du Fils de Saul : représenter par une machine implacable et dévorante (la mise en scène) des hommes transformés en machines à tuer (le Sonderkommando de Saul) au sein d’une machine de la mort (Auschwitz). Un absolu théorique, une mise en abyme en trois mouvements dont on comprend aujourd’hui que son déroulement ne pouvait être qu’à usage unique puisqu’il ne trouvait sa justification que par son sujet.
Sunset de László Nemes (Hon., 2018, 2 h 21)
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}