A quoi ressemble l’errance d’un Grolandais lâché dans un festival américain ? On a suivi Gustave de Kervern, primé à Sundance pour Louise Michel, entre mélancolie festivalière, blagues qui passent mal l’Atlantique, et autoportrait en chèvre.
On croise peu de films français et de réalisateurs Européens à Park City, la ville où se déroule le Sundance Film Festival. La raison ? Le décor austère de l’Utah, le froid peut-être, ou bien encore un âpre décalage horaire. Un irréductible a tenté sa chance : Gustave de Kervern, le co-réalisateur de Louise Michel, film produit par Mathieu Kassovitz, sorti en France le 24 décembre dernier et déjà auréolé d’un joli succès public – 300 000 entrées en un peu plus d’un mois. Si son comparse Benoît Delépine n’était pas là, l’ours de Canal sera lui resté quatre jours dans l’état mormon, flanqué de son indissociable et indispensable traductrice. Et il aura eu raison. Après plusieurs projections et un accueil plus que chaleureux, Gustave peut se vanter d’avoir séduit un public américain hilare devant les aventures de Yolande Moreau et Bouli Lanners. Après le Prix du scénario déjà obtenu au Festival de San Sebastian en Espagne, c’est le World Cinema Dramatic Special Jury Prize for Originality (sic !) de Sundance qui a récompensé ce samedi le troisième film des deux trublions grolandais. Ce qui n’était pas gagné, malgré les nombreuses références US friendly du film, notamment parce que Benoît Poelvoorde lançant une vanne sur le 11 septembre avec maquette des deux tours jumelles à l’appui, cela provoque un silence de mort dans une salle américaine…
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Mais qu’y a-t-il à faire à Park City pour un Mauricien de passage ? « J’m’emmerde », bougonne Gustave. « On va se prendre une bière au No Name Saloon ? » Pour tromper l’ennui, le bonhomme fait des bisous à tout le monde sur sa route et se fait remarquer, le pas lourd, dans les allées de l’avion, ou déambulant dans Main Street, l’artère principale de Park City. Entre une chapka en fourrure de lapin et l’achat d’un thermomètre-marmotte dans un magasin de souvenirs, il se confie : « Yolande n’a pas voulu venir, et moi ici, j’ai l’impression d’être une chèvre avec 100 mètres de cordes autour du cou ». Si sa jovialité apparente cache une mélancolie toute festivalière, ses yeux brillent lorsqu’il parle de l’attachement de Geoffrey Gilmore, le directeur de Sundance, à son film : « Il m’a dit que Louise Michel était le film le plus drôle du festival, alors je lui ai demandé si j’allais avoir un prix, mais il n’a pas voulu me répondre… » Parti avant la remise des prix, Gustave aura été rassuré par la place accrochée par son film au palmarès. De blagues potaches en propos un peu plus sérieux (« We make movies to fight the injustice »), il doit bien reconnaître l’opportunité que constitue sa présence dans un festival aussi prestigieux au Etats-Unis pour le rayonnement d’un film à qui l’on n’aurait pas forcément prédit pareille carrière internationale. Les retombées heureuses du prix de l’originalité dont Louise Michel s’est vu gratifier n’ont d’ailleurs pas tardé, puisque Kassovitz serait d’ores et déjà en discussion avec plusieurs studios hollywoodiens intéressés par l’idée d’un éventuel remake américain. Pas sûr que les Grolandais veuillent être du voyage…
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