L’amerrissage d’un avion en 2009 sur le fleuve Hudson raconté de façon souveraine et tranquille par Eastwood.
La fin de carrière de Clint Eastwood enchaîne les héros américains, piochés dans une histoire qui, si elle est récente, n’en est pas moins pour lui éligible à la mythologie. Mais il y a un monde entre la figure controversée du tireur d’élite Chris Kyle, célébré tête baissée par American Sniper l’an dernier, et celle bien plus sereine, fédératrice, presque lisse, de Chesley “Sully” Sullenberger, pilote de ligne auteur d’un amerrissage miraculeux sur le fleuve Hudson en janvier 2009, suite à une collision avec des oiseaux ayant mis hors d’usage ses deux réacteurs. Et il y a aussi un monde entre les deux films.
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En reconstituant l’événement et la procédure judiciaire qui a suivi (le bras de fer entre le pilote et les compagnies d’assurance évoquant très fortement le Flight de Robert Zemeckis), Eastwood accomplit en fait un brillant retournement : celui de signer un film antihéroïque sur l’héroïsme, un travail sobre, modeste, presque dépassionné, où la bravoure de Sully ne se pare jamais d’une conscience d’elle-même, ne sécrète aucune adrénaline, et s’apparente moins à un feu qu’à une eau dormante.
Un héroïsme noué, déceptif, qui fait toute la noblesse du film
Les meilleures scènes du film sont ainsi celles qui célèbrent à bon escient cette tempérance, cet esprit de rigueur, en se privant de toute récompense : Sully, paniqué, fouille l’habitacle gagné par les eaux à la recherche de passagers non encore évacués ; son doute nous contamine à cause d’étranges cris hors champ ; c’est une fausse piste, un leurre ambigu de la mise en scène, car l’avion est bien vide.
A quoi sert la scène ? A montrer une vertu sans objet, qui ne flamboie pas. Cet héroïsme noué, déceptif, qui fait toute la noblesse du film, c’est bien sûr celui d’Eastwood. L’octogénaire conduit avec un sérieux de vieux sage, totalement émancipé des rouages du storytelling, cet objet à la fois droit et retors, étrangement beau dans sa manière de sublimer la quasi-platitude du film-dossier.
Sully de Clint Eastwood (E.-U., 2016, 1 h 36)
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