Documentaire critique et esthétique sur un vaste projet hydraulique en Chine.
Comme l’indique le titre, traduction littérale du chinois Nan shui bei diao, ce documentaire a trait à un programme visant à acheminer d’immenses masses d’eau du sud vers le nord de la Chine par le biais de canaux et de viaducs. Alimenter des agglomérations telles que Pékin en voie de pénurie. Pendant du célèbre barrage des Trois-Gorges, ce projet pharaonique a, comme tous les projets pharaoniques, des conséquences néfastes. D’une part, un impact écologique non négligeable. D’autre part, un retentissement sur les populations riveraines qui, à cause du remodelage d’une partie du territoire lié au projet, sont souvent contraintes à l’exil. Voir par exemple la séquence sur un groupe de personnes relogées dans une ville nouvelle inhospitalière où elles sont reconverties à l’agriculture sur des terres sablonneuses ingrates.
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Mais, bien qu’il donne largement la parole à des dissidents et à des opposants au projet, qui pourrait avoir des conséquences catastrophiques, Sud eau nord déplacer n’est pas un pur film politique. C’est avant tout et principalement une œuvre paysagère, où l’on semble souvent sortir du sujet, ou du moins ne l’envisager que dans sa dimension purement formelle. Voir par exemple les plans larges, d’une perfection plastique et graphique absolue, sur des paysages naturels ou industriels qui ponctuent le parcours. Si cela ne contredit pas directement le propos du cinéaste (dénoncer l’emprise de l’homme sur la nature et ses conséquences environnementales et humaines), cela participe tout de même d’une conception picturale du réel. On a ainsi le beurre et l’argent du beurre avec ce documentaire : la recherche plastique et la réflexion politique.
Dichotomie qui suggère tout de même une sorte de dispersion. Contrairement au précédent film du cinéaste, Le Plein Pays, consacré à un original du Sud-Ouest creusant et sculptant des galeries souterraines, Sud eau nord déplacer est un film éclaté et polysémique. C’est un peu sa limite, et en même temps cela l’universalise. Il n’aurait pas la même pertinence si ce n’était qu’une œuvre visuelle ; il serait plus proche du reportage s’il se contentait de pointer un problème. Bref, c’est quasiment le yin et le yang.
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