En annonçant sa retraite, le réalisateur de 72 ans laisse un studio orphelin. Une jeune génération d’animateurs s’y trouve cependant prête à reprendre le flambeau.
Difficile d’envisager un studio Ghibli sans Hayao Miyazaki : plus que tout autre pôle d’animation dans le monde, du Pixar de John Lasseter (Wall-E) au Blue Sky de Chris Wedge (L’Âge de glace), la maison-mère de Chihiro s’est avec le temps tout à fait confondue avec son créateur, au détriment d’autres grands noms tels qu’Isao Takahata (Le Tombeau des lucioles) pourtant unanimement reconnus.
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Faux départ
Sa retraite, il l’a certes déjà prise par le passé avant de revenir au galop, mais elle a surtout toujours évoqué au studio une terrifiante fatalité, amenant la presse nippone à annoncer la fin de Miyazaki au moindre signe de ralentissement ou de distanciation : c’est ainsi qu’après une conférence au sujet de Princesse Mononoké où le cinéaste expliquait en 1997 que c’était « le dernier film [qu’il ferait] de cette manière », il s’était retrouvé mort et enterré en une des journaux sans autre forme de procès.
En addition de ce genre de ratés, Hayao Miyazaki s’est néanmoins déjà retiré pour de bon en 1998, laissant les clés de la maison à Yoshifumi Kondō, qui compte alors à son actif les animations de Porco Rosso et Pompoko (entre autres) et la réalisation du magnifique Si tu tends l’oreille. Le décès de ce dernier, en 1999, précipite le retour du directeur historique, qui met alors en marche le film qui fera de lui un maître mondialement reconnu du film d’animation : Le Voyage de Chihiro, Ours d’or à Berlin et plus grand succès en salles de l’histoire du Japon.
En même temps qu’il remet en selle Miyazaki pour un sursis de créativité à l’origine du Château ambulant et de Ponyo sur la falaise, le succès de Chihiro distille un goût d’achèvement à cette dernière décennie, qui voit alors le réalisateur recevoir des distinctions honorifiques, espacer de plus en plus ses productions, etc. Lui ne perd alors pas de vue sa quête d’un digne successeur. Le cofondateur de Ghibli, Isaho Takahata, est exclu d’une telle recherche : il est âgé de cinq ans de plus.
Gorō, le fils recalé
Les jeunes réalisateurs du studio constituent les plus sérieux candidats à une reprise en main de la maison. Gorō Miyazaki, fils d’Hayao, a déjà réalisé deux films dans la maison (Les Contes de Terremer et La Colline aux coquelicots). Mal accueillis, ils sont aussi la source d’une rixe familiale, le père étant peu convaincu par les talents de cinéaste de son fils. Hiroyuki Morita, chef-animateur de plusieurs œuvres-jalons de l’histoire du studio et réalisateur d’un de ses succès modernes (Le Royaume des chats), n’apparaît pas comme une option suffisamment « maison », n’ayant pas collaboré avec Ghibli depuis sept ans. On ne peut pas en dire autant de Hiromasa Yonebayashi, qui a quant à lui gravi les échelons depuis près de vingt ans sous l’aile de Miyazaki, jusqu’à réaliser en 2011 son premier film, Arrietty et le petit monde des chapardeurs, ayant reçu de bien meilleures faveurs que les deux tentatives de Gorō.
Par-dessus tout, il est temps de ne plus imaginer un leadership aussi fort au sein du studio : même absent, Hayao Miyazaki continuera inévitablement de hanter les productions Ghibli où il semble être, paradoxalement, le seul réellement disposé à transgresser ses propres codes – Le vent se lève, son dernier film abandonne toute évasion surréelle pour un récit quasi naturaliste (si un tel qualificatif peut s’appliquer à l’animation) dédié à un constructeur d’avion des années 1930. Les regards se tournent donc logiquement sur la capacité de cette jeune génération à accompagner sereinement l’évolution du studio plutôt que de s’enfermer dans une vénération agenouillée de son fondateur. A Ghibli, l’heure est peut-être venue de couper le cordon.
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