Comment l’application d’une directive européenne va chambouler la chronologie des médias en France.
Si le lancement d’HBO Max en France est prévu au mieux pour fin 2021, il n’est cependant pas question que les films produits par la Warner y soient, comme outre-Atlantique, disponibles simultanément en salle et sur la plateforme. Notre chronologie des médias, bien plus stricte que son équivalent américain, protège encore les salles. Cependant, cette fameuse chronologie devrait évoluer et, dans son sillage, c’est toute la filière du cinéma français qui devrait entrer dans une nouvelle ère.
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Elle a connu une nouvelle étape le 17 décembre dernier lorsque notre ministre de la Culture Roselyne Bachelot a annoncé sur France Inter avoir trouvé un accord avec les plateformes de streaming (Amazon Prime Video, Disney+ et Netflix), grandes gagnantes du confinement, les obligeant enfin à verser entre 20 et 25 % de leur chiffre d’affaires réalisé en France dans le préfinancement de créations hexagonales.
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Plus précisément, les plateformes auront le choix entre deux taux (20 et 25 %), qui détermineront leur place dans la chronologie. Rien que pour Netflix, cela représenterait une enveloppe comprise entre 150 et 200 millions d’euros selon la ministre.
Un effet domino imprévisible
Baptisée décret SMAD (Services de médias audiovisuels à la demande), cette première transposition de la directive européenne SMA (Services de médias audiovisuels) est une véritable révolution pour le secteur. Elle devrait prendre effet autour du mois de mars. Les différents acteurs du secteur se sont mis d’accord sur des closes de diversité et de protection des auteur·trices, qui imposent notamment 75 % d’investissement dans des œuvres pilotées par des productions indépendantes et 20 % consacrés au cinéma.
Effet domino, une négociation en cours devrait faire tomber l’actuelle chronologie des médias concernant les 36 mois qu’une plateforme doit aujourd’hui attendre pour diffuser un film sorti en salle. Les rumeurs évoquent 13 mois, ce qui n’a pas manqué de faire grogner les chaînes de télévision, dont le régime varie entre 8 mois (Canal+, OCS) et 22 mois (TF1, France Télévisions, M6 et leur nouvelle plateforme Salto). Elles s’inquiètent d’une concurrence déloyale entre partenaires historiques du cinéma et nouveaux entrants.
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“Pense-t-on réellement qu’un modèle comme Canal+ demeurera si Netflix est à 13 mois ? Je ne saurais extraire de la valeur auprès de l’abonné si les plateformes américaines sont à moins de 13 mois. Quelle est la stratégie des organisations du cinéma pour que Canal+ continue d’investir ?”, s’est notamment interrogé Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal+ lors des Rencontres Cinématographiques de L’ARP en novembre dernier.
La fuite des talents vers les plateformes
Ce que réclament les chaînes de télévision n’est pas tant un durcissement des règles pour les Américains qu’un allègement des obligations et un renforcement des droits des partenaires français, notamment en matière de production et de diffusion internationale. Un aménagement du décret “TNT” datant de 2010 (relatif à la contribution à la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre) est prévu dans les prochains mois et devrait les rassurer.
A l’heure où Netflix a annoncé plusieurs gros projets de films français dont la sortie est prévue pour 2021 (BigBug, la comédie futuriste de Jean-Pierre Jeunet, 8, rue de l’Humanité, le film sur le confinement de Dany Boon, et O2 d’Alexandre Aja, avec Mélanie Laurent et Mathieu Amalric), cette annonce laisse-t-elle la possibilité d’une sortie en salle pour ces films à fort potentiel au box-office ?
“Les chiffres de la fréquentation étaient encourageants entre les deux confinements” Elisha Karmitz, DG de MK2
Rien n’est moins sûr. Ces projets de films soulignent surtout un nouveau problème : la fuite des talents vers les plateformes, ou quand Netflix chipe aux exploitants français de précieuses munitions pour une année 2021 qui s’annonce déjà très compliquée.
Contacté par Les Inrocks, Elisha Karmitz, directeur général du groupe MK2, qui a récemment innové en lançant sa propre plateforme, MK2 Curiosity, conclut sur une note positive : “Le confinement a certes durci le rapport de force entre exploitation et plateformes. Mais une fois passé ce cap conjoncturel, je ne suis pas inquiet pour la valeur du cinéma en salle. On l’a vu, les chiffres de la fréquentation étaient encourageants entre les deux confinements. Et l’excellente santé du box-office chinois au moment du déconfinement est un bon indicateur pour la reprise qu’on attend avec impatience.”
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