Dans les années 60, un soldat américain retourne dans son pays juste avant la naissance de l’enfant qu’attend de lui une Française. Ce fils, Stéphane Bouquet, est parti à la recherche de son géniteur avec le cinéaste Sébastien Lifschitz : c’est La Traversée, à la fois road-movie et quête du père.
Un fils traverse l’océan pour chercher son père qu’il n’a jamais connu. Histoire éternelle, antique fiction.
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A partir de ce postulat, romanesque en diable, La Traversée trouve d’abord sa singularité par une succession de mouvements de refus. Refus de l’enquête sur le père évanoui dans la nature, le film optant pour des chemins de traverse et des fausses pistes (serait-il mort au Vietnam ?) plutôt que d’exhiber les pièces du dossier et les progrès des recherches. Et l’adresse qu’avait conservée la mère de Stéphane Bouquet se révélera fausse mais proche, le père ayant fort peu bougé en plus de trente ans.
De la même façon qu’il repousse une enquête qui n’a rien d’inexorable, qui serait plutôt d’une déconcertante facilité tant ce père ne se cache pas d’un fils dont il ignore jusqu’à l’existence, le film ne magnifie pas le nouveau territoire que constitue l’espace américain. Lifschitz n’est pas Wenders, il se moque du western (genre épique s’il en fut) et ne triche ni sur son regard de touriste, incapable de dépasser l’apparence des choses, ni sur la consternante banalité de cette Amérique terne et uniforme (« cauchemar propre, un monde comme photocopié »).
L’essentiel est donc à chercher ailleurs. Dans la relation amicale et professionnelle qu’entretiennent Bouquet et Lifschitz, le premier étant le scénariste attitré du second, Bouquet apportant la vulnérabilité peu séduisante de son corps d’acteur et son matériau intime.
Plutôt beau gosse, touchant dans sa répugnance à se faire plus sympathique ou moins fermé sur lui-même qu’il n’est vraiment, Bouquet amène au film son incertaine présence d’homme sans qualités, peu sentimental, cédant parfois à des fantasmes vaguement crapuleux (quand il « charge » son père, l’imaginant en jeune soldat qui se vante auprès de ses camarades de chambrée des cris de plaisir qu’il arrache à sa maîtresse française), son incapacité à se métamorphoser en héros.
Plutôt que de traiter cette histoire sur le versant trop fréquenté du roman familial, le film en fait une suite d’hésitations, un ressassement sur le mode du « Comment vais-je réagir si je le trouve ? Qu’est-ce que ça va changer ? » C’est une attente inquiète qui remplace le suspense attendu. Si la rencontre est presque certaine, le film ne cesse d’anticiper son déroulement : Bouquet imagine le pire, mais il ne sait rien du meilleur. Et la grandeur de ce beau petit film vient justement de son choix de ne pas chercher à éviter l’aspect étriqué de cette minuscule odyssée vitale.
Au bout du chemin, il n’y aura ni flamboiement conflictuel ni débordement lacrymal, seulement un peu de gêne et beaucoup d’émotion, filmées de loin, sur un bout de parking désespérément fonctionnel, au bord d’une route qui ne symbolise rien, le temps d’une étreinte qui en appelle d’autres - il faut le leur souhaiter.
C’est quand Lifschitz cherche à animer artificiellement le peu, quand il fait moins confiance aux ruminations de son personnage et ajoute de la musique ou des brassées de feuilles mortes, ornements inutiles, que le film perd un peu de sa grâce. Comme si La Traversée ne pouvait se remplir qu’en se dévidant.
En revanche, le film contourne remarquablement l’écueil de sa fabrication, le culte du « pris sur le vif » propre au reportage étant contrarié par des séquences qu’on devine écrites, répétées, mises en place : le doigt de Bouquet qui se détache sur le black wall du cimetière d’Arlington, l’apprentissage de la conduite automobile sans embrayage, et le récit qui suit la rencontre.
Et le film de se construire entre fabrication (les scènes traitées au banc-titre sont particulièrement réussies, c’est donc bien un roman-photo trivial autant qu’un voyage poétique) et saisie lointaine de la cérémonie des adieux.
Le charme entêtant de La Traversée réside dans ce grand écart qui mêle exhibition et pudeur, documentaire et fiction, malaise et apaisement.
*
Stéphane Bouquet : Je n’avais jamais recherché mon père auparavant, parce que je m’étais construit autour de son absence. La figure du père m’avait travaillé, mais l’image imaginaire de lui que j’avais élaborée me remplissait suffisamment. Je suis quelqu’un d’assez mélancolique au sens fort du terme, j’ai organisé ma vie autour du deuil, y compris du deuil à venir de moi-même. L’absence du père et le deuil perpétuel de cette figure me satisfaisaient et m’ont permis d’élaborer un imaginaire poétique autour de ça. Rechercher mon père signifiait remettre en cause tout cet imaginaire.
Cet imaginaire a toujours été plus fort que la curiosité de connaître ton père et ton origine ?
Oui. Parce que je savais que ces images imaginaires que j’avais construites seraient toujours plus belles que la réalité, parce que composées à partir d’idéaux. Je n’avais pas trop envie de remplacer cet imaginaire par du réel.
Il a fallu non seulement un tiers, Sébastien Lifschitz, mais aussi le projet d’un film pour te convaincre d’entreprendre finalement cette recherche ?
Il a fallu que quelqu’un me propose cette recherche, me fasse accepter l’idée que mon père n’était pas mort ce qui était probable. Ensuite, il fallait qu’il y ait un enjeu à cette recherche, un enjeu hors de la chute de l’idéal, qui soit suffisamment fort pour moi pour que je puisse finalement accepter de me confronter au réel. L’enjeu, c’était le film, donc une forme artistique. La forme artistique, pour moi, c’est le moment où quelque chose s’essaye à atteindre une sorte d’harmonie et assure une sorte de survie potentielle. C’est ça qui m’a fait accepter de remettre en cause cette image idéale du père qui me satisfaisait.
Le film a été la béquille qui t’a aidé dans ta quête intime ?
Plus qu’une béquille : un moteur. Je n’aurais sans doute jamais entrepris cette recherche seul. Je savais que l’aboutissement de la recherche serait une déception, mais que le film pouvait être une chose réussie qui contrebalancerait la déception.
Entreprendre cette recherche intime devant témoin et caméra ne te posait pas de problèmes quant aux risques d’exhibitionnisme ou de voyeurisme ?
Il y a deux choses, l’intime et l’esthétique. D’un point de vue intime, je me suis demandé pourquoi j’avais finalement ce besoin d’exposer toute cette histoire. Je pense que j’ai compris qu’à partir du moment où l’on a une origine incertaine ou inconnue, on a des problèmes pour se fonder dans la réalité. On a du mal à se percevoir ayant une identité nette, fixe, invariable, et qui peut traverser le temps. J’ai toujours eu le sentiment d’avoir un être relativement poreux, malléable, un être que je ne maîtrisais pas, comme construit autour d’un néant. D’une certaine façon, déballer cette histoire et la donner au regard des autres, c’était pour combler le vide à l’intérieur de mon être. Dans mon être, il y a un nom qui manque, une langue qui manque. Je travaille beaucoup autour de l’écriture et j’ai ce sentiment très important que je ne possède qu’une seule de mes deux langues. Au fond, ma véritable conquête serait de conquérir cette langue manquante. Conquérir le père reste pour moi secondaire. Maintenant, d’un point de vue esthétique, ça m’intéressait de travailler sur du matériau autobiographique. C’est un sujet très en vogue aujourd’hui, mais le cinéma ne l’a pas abordé complètement avec les armes du cinéma. Rechercher son père, c’est presque la définition du cinéma selon Daney. J’ai toujours beaucoup aimé la dernière période de Serge Daney, la plus autobiographique. Lire son livre Persévérance a été très fort : ce sentiment de comprendre que le cinéma était du côté du père, que c’était le territoire du père. C’était en tout cas vrai pour lui et ça l’est pour moi. Mais pour moi, le cinéma était aussi le lieu de la mère : c’est-à-dire que l’écran serait le lieu du père et la salle celui de la mère. La salle, c’est le lieu du retrait, le lieu de la protection, le lieu du noir et, en exagérant à peine, le lieu f tal. Sur ce film, je me suis beaucoup retrouvé dans Daney.
Ta mère est d’ailleurs très présente dans le film, mais en creux.
Le père est quasiment le mcguffin (le prétexte) du film, alors que la mère a été le personnage présent, voire sur-présent, qui plane sur le film. Le fait qu’elle soit présente uniquement en photo et par sa voix lui donne une existence singulière dans le film. Son corps est en quelque sorte détaché de sa voix. Elle est présente aussi par le fait que je lui ressemble beaucoup, d’après ce que me disent les gens. Elle est donc aussi présente par moi. C’est un personnage qui n’est jamais là et en même temps tout le temps là, disséminé dans le film. Sa présence est ainsi plus massive que celle du père, qui est le trou vers lequel on va.
La première partie du film, avec ses creux, semble montrer ta crainte de t’approcher de ton père, et permet aussi au cinéma de s’engouffrer dans les brèches de tes recherches.
Lorsque la raison personnelle et la raison esthétique se confondent, c’est là que le film est au mieux. Moi, j’avais une envie ambivalente de retrouver mon père, je ne me faisais pas d’illusion sur ce que j’allais découvrir. Pendant tout le voyage, j’hésitais : j’y vais ou j’y vais pas ? Si je le retrouve, je vais lui parler ou pas ? J’en ai envie ou pas ? Le film figure cette approche hésitante. On est parti avec en tête Route one USA de Robert Kramer, en se disant qu’on allait faire pareil : rencontrer des gens sur notre chemin, parler, que ça allait nourrir le voyage, et qu’à la fin, l’histoire du père serait secondaire. Et ça ne s’est pas du tout passé comme ça. Je ne vais pas naturellement vers les gens et là, j’en avais encore moins envie. J’avais au contraire envie qu’on me laisse seul. Du coup, le film s’est retrouvé avec moi et le monde qui ne coïncidaient pas. Les creux du voyage et du film, c’est ça : la peur, et aussi le fait que j’éprouve une certaine répugnance à aller dans le monde.
Il y a comme un triple frein : ta crainte de rencontrer ton père, ta réticence à aller vers le monde, tes doutes par rapport au film.
J’étais fatigué d’être filmé, parce que ça m’obligeait à être présent au monde d’une façon qui ne m’est pas naturelle. Quand il y a un groupe, je me mets à côté ou en retrait, etc. Là, j’étais obligé à une présence, j’étais sous un double regard : celui de la caméra et celui des gens qui regardaient la caméra car un tournage comme ça, avec une grosse caméra, ça attire le regard des badauds. C’était une première réticence. Seconde réticence, le narcissisme et l’exhibitionnisme. Avais-je raison de me laisser aller à ces penchants sans les combattre ? Troisième réticence, Sébastien voulait que je sois un personnage de fiction. Il est parti aux Etats-Unis avec déjà des idées en tête, notamment sur New York et sur Washington. Il voulait que Central Park soit un point de focalisation, un point de départ de l’intrigue. Ça alimentait aussi ma fatigue d’être filmé : j’avais le sentiment qu’il fallait que je sois quelqu’un que je n’avais pas envie d’être. Sébastien voulait que je sois dans l’affect ; comme je suis plutôt cérébral, je n’avais aucune envie d’être dans l’affect. Toutes ces tensions s’accumulant, j’en avais parfois marre du film.
As-tu participé aux décisions de mise en scène, de ce qu’il fallait filmer ou ne pas filmer, du contrôle de ton image ?
Sébastien me reprochait de rester trop volontiers un simple corps filmé et de ne pas intervenir. Je viens de la tradition de la politique des auteurs : c’est donc au cinéaste de faire son film (rires)… C’était à lui de filmer ce qu’il avait envie de filmer. J’ai vaguement essayé de lui proposer de filmer des choses à New York, et ça ne correspondait pas à ce qu’il avait décidé. Il m’a dit non. A partir de là, je me suis retiré de toute proposition dans les choix de mise en scène. Mais j’ai trouvé ça tout naturel : c’était lui le cinéaste. Il est arrivé qu’on s’engueule sur un principe de mise en scène. Sébastien avait une tendance à la condensation, à la fictionnalisation des événements. Il voulait toujours que j’aille le plus vite possible pour que ce soit raconté dans le moins de temps possible, afin de produire du récit. Moi, qui suis plutôt akermanien, je voulais du temps réel. Quelque chose qui dure cinq minutes devait durer cinq minutes. Exemple : il me filmait dans un motel et je devais remplir une fiche. J’ai alors entendu sa voix derrière moi : « mais non, t’as pas besoin de tout remplir entièrement, ça va être trop lent ! » Je lui disais « t’es pas assez Akerman », et lui n’avait visiblement pas envie d’être Chantal Akerman (rires)…
L’intérêt et la beauté du film, c’est qu’il y a les deux : du récit et de la durée réelle.
Quand je dis Akerman, je pense au réel, aux durées, à la latence, au non-préparé, au simplement regardé. J’ai une fascination pour le temps qui s’écoule et voir le temps qui s’écoule au cinéma me transporte. Sébastien est plutôt dans le temps qui s’organise. Il vient vraiment du cinéma américain, du temps qui se structure en fiction. La Traversée est une sorte de mixage entre un temps européen et un temps américain. C’est bien parce que c’est aussi le sujet du film : des européens qui vont aux Etats-Unis et qui tentent de récupérer l’Amérique. Mais Sébastien était vraiment du côté de l’Amérique : non seulement il cherchait symboliquement son père, mais également un fantasme de cinéma qui est le cinéma hollywoodien. C’est pour ça, je crois, qu’il a voulu tourner en Cinémascope.
Selon lui, le Scope lui donnait des contraintes profitables au film, lui évitait les facilités de la DV.
Et il a entièrement raison. Mais j’ajouterais que s’il avait été équipé d’une DV, il n’aurait pas été un « cinéaste américain ». C’était son désir : être un cinéaste qui filme l’Amérique avec des moyens esthétiques américains. Sébastien possède un immense savoir sur ce cinéma-là alors que moi, je suis totalement ignare en la matière. S’il était venu avec une DV, il aurait été un cinéaste européen.
Quand tu rencontres enfin ton père, était-ce une évidence que ça ne devait pas être filmé ?
C’était même décidé avant de partir. On savait que si on le trouvait, on ne le filmerait pas. Filmer ça, c’était risquer de faire Perdu de vue, repsychologiser fortement le film… Et puis je n’avais pas envie qu’un moment aussi intime soit partagé par tout le monde. Et je ne me sentais pas le droit d’imposer cette caméra à quelqu’un qui n’avait rien demandé et qui n’était pas au courant.
Le spectateur est partagé entre sa pulsion voyeuriste et sa raison éthique, la raison l’emportant d’ailleurs assez vite.
Le père est l’objet de la quête, et on ne montre pas cet objet. On dit « La quête est réussie, mais vous ne saurez pas ce qu’on a trouvé. » C’est ce qu’on appelle aujourd’hui un film déceptif. Il me semble aussi que c’est ce qui facilite l’identification éventuelle du spectateur : lui-même peut y mettre sa propre quête, son propre roman familial. Si on avait beaucoup filmé mon père, cela aurait trop singularisé cette histoire.
Ce film a-t-il bouleversé ta vie ?
J’ai encore du mal à répondre à cette question. Ça a probablement changé des choses. En même temps… Ce matin, j’ai vu Pearl Harbor, un très très mauvais film. Mais il m’a énormément touché : c’est l’histoire d’une infirmière et d’un soldat, qui vient en plus du Tennessee, et ça se termine par un enfant qui n’a pas de père, dans le Tennessee. Je croyais que j’avais avancé, je m’étais dit « voilà une affaire réglée, je vais pouvoir passer à autre chose ». Et je me rends compte que ce genre de film me fait encore pleurer, comme avant. Je ne sais alors pas ce que La Traversée a résolu. Ça a déplacé des choses, mais il y a toujours un inaccessible. Même si j’ai retrouvé le père, je n’ai pas retrouvé l’enfance ni la langue : quelque chose est perdu à jamais. Retrouver le père a un sens, mais ne remplit rien de ce qui n’a pas eu lieu. Ça pose une pierre à côté du vide. Je ne sais toujours pas qui je suis, mais je peux dire maintenant « Je suis là ». Mon père a un fils américain : ce fils est la matérialisation d’une de mes existences possibles.
Ton sentiment est- il vraiment incon-cevable pour quelqu’un qui a connu ses deux parents ?
Ce qui est étrange, c’est le fait qu’il ait été soldat. Cette histoire s’est achevée du fait de mes deux parents mais, en même temps, si l’Otan était restée en France, peut-être cela se serait-il passé autrement ? Sans être mégalomane, j’ai le sentiment d’être autant le fils de mes parents que le fils de l’Histoire. Ça me donne une acuité très forte aux hasards de l’Histoire, à l’idée que nous sommes tous des hasards objectifs. C’est le cas de tout le monde mais, dans mon cas, l’absence de mon père est directement liée à une décision historique.
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Sébastien Lifschitz – le troisième homme
Regard tiers, confident, entraîneur, Sébastien Lifschitz a transformé une quête intime en film de cinéma.
« Stéphane m’avait raconté l’histoire de son père inconnu, et j’avais été très étonné qu’il n’ait jamais eu le désir de partir à sa recherche. Face à mon étonnement, il me disait toujours que c’était ainsi, que la vie avait imposé cette absence. Connaissant Stéphane, je trouvais ça un peu suspect, je devinais que ce n’était pas aussi simple. Stéphane aimant bien le débat, et moi aussi, on s’est enfoncés sur ce terrain-là. Tout ce qui touche à la figure du père me tient particulièrement à c’ur.
Stéphane a commencé à réfléchir à ce père absent et un jour, j’ai senti que seul, il n’irait pas le rechercher. Son désir était ambivalent, mélange de curiosité, de peur et de colère par rapport à cet homme qui avait quitté sa mère sans plus donner de nouvelles. Stéphane s’est greffé sur mon désir et s’en est servi comme d’un moteur pour amorcer la recherche. C’est moi aussi qui lui ai proposé l’idée d’un film.
Moi, j’étais l’aide, le garde-fou, l’entraîneur. Stéphane aime beaucoup être invisible, observer les autres, il aime le recueillement et la solitude. Là, être entouré en permanence de quatre personnes n’était pas facile pour lui. A des moments, il acceptait cette donne, à d’autres, elle l’insupportait.
Le film n’est pas seulement sur la recherche du père, il est aussi axé sur la découverte d’un territoire, sur le processus de filmer l’intime. Car même si la mise en scène est fictionnelle, la matière brute est absolument documentaire. Le début du film est très découpé, comme une fiction, et plus on avance, plus le film s’est épuré et a intégré la réalité, plus on abandonne la voix off pour inclure les dialogues directs…
Dans le film, il n’y a pas de rencontres, l’Amérique est tenue à distance. Stéphane ne voulait pas du tout la conquérir et parfois, ça me mettait en colère. Je crois que c’est parce que nous arrivions sur les terres du père. Le vide du Midwest et l’approche du père le nouaient et le fermaient à la réalité.
Le format Scope m’a imposé des choses, pour le meilleur. Le format logique aurait dû être la DV. J’ai voulu résister à cette facilité. L’appareillage du Scope était lourd et m’a imposé de faire des choix, de ne pas tout filmer. Avec la DV, on risque de filmer tout ce qui bouge, sans penser en termes de cinéma, c’est tellement facile. Moi, je voulais au contraire affirmer un point de vue, jouer sur le cadre et le cinéma, sur ce qu’on montre ou pas. »
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La Traversée de Sébastien Lifschitz, avec Stéphane Bouquet.
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