Si « Rogue One : A Star Wars Story », premier spin off de la saga « Star Wars » réalisé par Gareth Edwards sous la houlette du studio Disney, a globalement séduit la critique et le public, sa production a été particulièrement complexe. Le comédien Ben Mendelsohn, qui interprète le principal antagoniste du film, confirme que des versions radicalement différentes du film ont été envisagées.
Interviewé par le site Collider, l’acteur australien Ben Mendelsohn, qui interprète le sinistre Directeur Orson Krennic au côté des bad guys emblématiques Tarkin et Dark Vador dans Rogue One : A Star Wars Story de Gareth Edwards, a révélé que de nombreuses scènes du film, parfois cruciales, avaient été coupées. Le comédien parle de différences notables au sein de 20 ou 30 d’entre elles, dont quatre séquences capitales qui s’écartent complètement de leur version d’origine.
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Un processus d’élaboration complexe
On le sait, la plupart du temps, la version d’un film que les spectateurs découvrent en salle et le fruit d’un cheminement artistique complexe, à base de nombreuses réécritures, de scènes coupées ou re-tournées et de versions de montage écartées. Rogue One : A Star Wars Story, premier spin off de la saga Star Wars situé entre ses épisodes III et IV, n’échappe pas à cette règle, et l’incarne de manière d’autant plus prégnante que sa production a été particulièrement mouvementée.
En effet, afin de relever le pari risqué du film dérivé (s’insérer dans la trame globale de la saga et en respecter l’ADN tout en y insufflant une tonalité et un regard nouveaux), les versions du script se sont multipliées, et de nombreux reshoots ont été effectués après le tournage principal. On parle de 40% de l’intrigue mise en boîte une nouvelle fois sous la supervision de l’expérimenté Tony Gilroy, scénariste de la franchise Jason Bourne et metteur en scène de Jack Clayton et du cinquième volet des aventures de l’espion amnésique. Des rumeurs insistantes évoquaient alors une première version trop sombre au goût des exécutifs de Disney, qui souhaitaient insuffler au travail de Gareth Edwards une coloration plus légère et familiale le rapprochant des opus canoniques de la franchise.
Un parti pris supposé qui a rapidement inquiété les fans de la saga, redoutant (à juste titre) un « disneyification » à outrance du film et un sabotage du travail et de la vision de son réalisateur. Au final, cette équipée suicidaire d’un commando de têtes brûlées rebelles pour dérober au nez et à la barbe de l’Empire les plans de l’Etoile noire, leur terrifiante station orbitale, a tenu ses promesses. Elle s’avance comme un pur film de guerre placé dans le contexte de cette galaxie lointaine chérie des fans, pétri de références aux classiques du genre (d’Apocalypse Now au Pont de la rivière Kwai en passant par Démineurs) comme aux jeux vidéos contemporains, les séries Battelfield et Call of Duty en tête. De quoi semer la confusion dans les esprits des commentateurs, dont certains prétendent désormais que Disney aurait au contraire repris la main sur le projet pour en assombrir le dernier acte.
De nombreuses scènes coupées
Comme certains observateurs attentifs l’ont noté, les bandes-annonces, spots télévisés et vidéos de making of distillés lors de l’intense campagne de promotion du film regorgent de plans qui n’ont pas trouvé leur place dans le montage final. On pense notamment à des saillies provocatrices de Jyn Erso face aux chefs de l’Alliance rebelle, au surgissement d’un Tie Fighter impérial face à l’héroïne sur la plateforme au sommet de la tour des archives de Scarif, aux paroles sentencieuses d’un Saw Gerrera chauve ou à des intrigues de couloir autour du directeur Orson Krennic. Un habile montage vidéo a d’ailleurs construit une bande-annonce uniquement à partir de ces plans écartés.
Le plus est l’ennemi du bien
Alors certes, Rogue One aurait pu être bien différent, mais en aurait-il été meilleur ? Le processus d’élaboration d’un film est une chimie complexe, une opération qui prend parfois la forme d’une réécriture constante, que ce soit sur le papier, le plateau ou la table de montage. Les chefs d’oeuvre des plus grands cinéastes sont parfois le substrat ouvragé d’une masse de rushs beaucoup plus importante, et le tâtonnement fait partie intégrante de leur mécanisme de fabrication. Qui irait reprocher à Coppola ou Cimino d’avoir écarté de nombreuses scènes de leurs Apocalypse Now ou Voyage au bout de l’enfer ? C’est avant tout une question de méthode de travail, et tout le monde ne partage pas la vision perfectionniste et planifiée à l’extrême d’un Hitchcock ou d’un Kubrick.
Avec Rogue One, Gareth Edwards a voulu électriser le style visuel parfois daté de la saga par une énergie réaliste de « documentaire embarqué dans une zone de guerre« , et a tenu à étirer les prises dans la durée pour pousser les acteurs dans leurs retranchements émotionnels et avoir un choix plus vaste au montage. Les longs-métrages ont toujours eu des scènes coupées et des versions de travail, mais l’ère d’internet permet aux spectateurs d’avoir un aperçu de cette partie immergée de l’iceberg cinématographique. De quoi alimenter une frustration compréhensible mais pas forcément justifiée, qui fait en tout cas les belles heures des éditions spéciales et Director’s cuts bien souvent mus par un intérêt purement commercial. L’important n’est peut-être pas de voir le plus d’images possible de ses films préférés, mais de se laisser envoûter par leurs versions généralement les plus abouties : celles de la salle.
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