Second mouvement de la reprise en main de la vieille Enterprise par le fringant J.J Abrams. Toujours un sans-faute.
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Quatre ans séparent Star Trek into Darkness de son prédécesseur, brillant reboot qui avait su remettre au goût du jour une franchise jugée, à tort ou à raison, ringarde.
Elaboré en pleine obamania, le premier opus incarnait
à la perfection l’idéalisme mêlé d’arrogance de ce Président encore épargné par l’usure du pouvoir. Depuis, quatre années ont passé, quatre années à l’issue desquelles l’Amérique ne s’est véritablement soignée d’aucun de ses maux mais a pu, maigre consolation, s’ôter une épine du pied, en éliminant Ben Laden. “Justice a été faite”, clama alors Barack Obama, bouclant symboliquement un premier mandat exercé d’une main de fer dans un gant de velours.
Si nul, dans les sphères hollywoodiennes, ne sembla à l’époque questionner les tenants philosophiques d’un tel acte (cf. la confusion volontaire entre justice et vengeance),
trois films très récents viennent de le faire, avec force : Zero Dark Thirty, Iron Man 3, et Star Trek into Darkness, donc.
Kathryn Bigelow, tout en embrassant le point de vue martial des exécutants, en révélait in fine la folie et la part d’aliénation ; Shane Black supposait de son côté que Ben Laden n’était qu’un bouffon, servant d’alibi à un ennemi intérieur bien plus dangereux ; quant à J. J. Abrams, il imagine quels secrets auraient pu révéler la bête noire de l’Amérique si, au lieu de l’éliminer brutalement, on lui avait laissé la possibilité de s’expliquer.
Plus précisément, il s’agit cette fois pour l’équipage de l’USS Enterprise de mettre fin aux agissements d’un terroriste intergalactique (le Britannique Benedict Cumberbatch, d’un charisme glacial, avec son visage reptilien et sa voix de stentor) sans attirer l’attention de la nation ennemie qui l’héberge (les Klingons), afin de ne pas provoquer de casus belli. Toute ressemblance avec des événements réels (pakistanais, par exemple) serait, bien sûr, purement fortuite…
D’une certaine façon, le film d’Abrams est une réponse à celui de Bigelow, et si les “Dark(ness)” des titres se font écho, c’est pour mieux affirmer ce qui les oppose : absolue luminosité de ce Star Trek qui ne vise, esthétiquement, politiquement, qu’à extraire ses personnages de l’ombre dans laquelle ils sont plongés, à l’image d’un pays lassé par une décennie de guerre.
Pour y parvenir, il faut toute la malice et l’ingéniosité du soldat Abrams, pas toujours aidé par un scénario un brin confus (la faute à Damon Lindelof, cocréateur de Lost, et surtout à Roberto Orci et Alex Kurtzman, les architectes astigmates de Transformers).
Sa force, il le prouve une nouvelle fois ici, tient dans son génie du mouvement perpétuel et dans sa gestion du trop-plein. Personne aujourd’hui ne sait mieux filmer une scène d’action ultracomplexe, regorgeant à ce point de personnages, de véhicules, d’espaces, voire de temporalités différentes. Roi de l’aplat – ce dont le fameux flare, ces traits de lumière qui apparaissent naturellement lorsqu’une caméra braque un projecteur, constitue la signature la plus évidente –, Abrams expérimente ici pour la première fois la 3D, et prouve aux sceptiques qu’il n’y a nulle fatalité à l’inanité courante de cette technologie.
Dans les mains du réalisateur de Super 8, elle offre une richesse picturale prodigieuse. Chaque plan ressemble à un Rubik’s Cube dont les couleurs chatoyantes, sans cesse reconfigurées, dessinent un univers aux mille possibles, sans haut ni bas, sans gauche ni droite – un pur thrill. Cela est particulièrement vrai dans la séquence d’ouverture, haletant gymkhana dans une forêt cramoisie, qui cite allègrement l’Indiana Jones de maître Spielberg, et dans les innombrables scènes situées dans les coursives de vaisseaux, qui font de ce film, pour l’essentiel, un touché-coulé en apesanteur.
Souvent vertigineux, en prise avec le présent, Star Trek into the Darkness est bien plus que l’énième jouet d’un enfant gâté : c’est une utopie, la vision d’un monde juste où, peut-être, grâce à la raison, la guerre des étoiles n’aura pas lieu.
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