200 trésors cachés.
Des livres, des disques, des films magnifiques ou passionnants, toujours attachants. Pas nécessairement des oeuvres d’inconnus, mais aussi des merveilles négligées par les biographies officielles de stars du cinéma, de la musique ou de la littérature. Inutile de raconter les bagarres, manoeuvres et négociations nécessaires à la constitution de cette liste totalement subjective de deux cents joyaux habitués à l’ombre : on trouvera donc ici des marottes obsessionnelles, d’illustres pionniers à l’influence sous-estimée, des premiers pas hésitants et des grands pas pour l’humanité. On passera ainsi une vie ordinaire avec mes amis, dont certains ont connu une jeunesse colossale voire de sublimes erreurs de jeunesse. On visitera des sociétés secrètes, on se lancera dans un grand voyage, du pôle à l’Equateur en passant par la chaleur de Saint-Tropez. On errera, comme un vagabond, sur les terres de personne ou au pays des araignées, en écoutant l’orchestre des ombres jouer une musique pour une nouvelle société, avec une folle envie d’aimer ces rythmes fous, d’embrasser ces miss Amérique, ces filles de Chelsea. Avec, surtout, l’envie de partager avec tous ce gai savoir. Car comme dit l’un de nos invités, c’est chacun tout le monde.
Qu’on en profite : c’est journée portes ouvertes dans le coffre-fort des Inrockuptibles.
Kid blue de James Frawley (1973)
Où Dennis Hopper s’aperçoit qu’être hors-la-loi est un métier obsolète dans un Ouest qui déjà rêve d’ailleurs. Warren Oates veut recréer l’utopie amoureuse des anciens Grecs, un prédicateur construit une machine volante et, pendant ce temps, le grand capital recycle la mythologie du Far-West en produits dérivés. Sarcastique et tendre, ce western révisionniste d’un discret artisan de la TV (Colombo, les Muppets) soutient la comparaison avec John McCabe d’Altman, voire le Cable Hogue de Peckinpah.
Dementia de John M. Parker (1955)
Une femme court dans la nuit, c’est l’année de En quatrième vitesse ; mais les rues sont désertes comme chez Chirico, à part un fleuriste aveugle qui offre une main coupée. L’héroïne n’a pas fini de courir. Un jour, dans Etoiles et toiles, Frédéric Mitterrand avait montré cet extrait. Il disait le film invisible, son auteur, un millionnaire hanté qui avait financé de ses propres deniers ce long rêve dont ne voulait aucun studio. On a fini par le voir, en 16 mm incertain, cauchemar lacunaire entre Caligari et Eraserhead. En tout cas, on en jurerait.
Le Gai savoir de Jean-Luc Godard (1968)
Juliet B. (Berto ?) n’a jamais été aussi belle, la politique rarement aussi sourde. Mai : JLG, le contrebandier, ne peut plus rien articuler, alors il susurre dans un micro aphone un journal de révolte, de faits et de désir, invente une palpitation d’images montées, une accélération de l’oeil, vingt ans avant les Histoire(s) du cinéma.. De ce montage d’éclairs, de ce tonnerre d’images, nous pouvons témoigner qu’il reste le seul journal télévisé digne d’un Mai 68 regardé (furieusement) en face.
The Fearmakers de Jacques Tourneur (1958)
Ce spéléologue de l’ombre qu’était Tourneur s’attaque ici… aux instituts de sondage ! Mais ne pas attendre de la part de notre sculpteur de la nuit favori une fiction de gauche ni de droite d’ailleurs. En poète éternellement hanté par les ténèbres, Tourneur voit les instituts de sondage et les élites médiatico-politiques comme une secte dangereuse qui manipule les masses : c’est la part documentaire du film. Washington et ces célèbres monuments, symboles de la démocratie américaine, sont ici filmés comme un cauchemar expressionniste. Heureusement, le fragile mais obstiné Dana Andrews veille.
Du pôle à l’Equateur de Yervant Gianikian & Angela Ricci-Lucchi (1986)
Deux archivistes décomposent un sommeil vieux de soixante-quinze ans. Le cinéma muet est suffisamment incunable comme ça. Le cinéma expérimental est assez défoncé comme ça. Le temps s’est assez résorbé comme ça. L’image est assez attaquée comme ça. La lumière du projecteur bat assez comme ça. Mon pouls s’est assez ralenti comme ça. Je suis assez addict de ça: le temps, dans sa version de cellulose.
Routine pleasures de Jean-Pierre Gorin (1985)
Où l’on retrouve Jean-Pierre Gorin, membre éminent du groupe Dziga Vertov, réalisateur de Tout va bien au côté d’un certain Jean-Luc Godard, tombé au champ de déshonneur du maoïsme français, avant de réapparaître vers San Diego en professeur de cinéma et en grand documentariste. En se penchant sur de doux cinglés de trains électriques, Gorin en profite pour parler du paysage américain, du mythe et de ses transformations, de son pays d’accueil et de sa place de cinéaste. Drôle et malin, son film fictionne plus et mieux qu’une superproduction.
Le Professeur (La Prima notte di quiete) de Valerio Zurlini (1972)
Si Zurlini est maintenant considéré comme un immense cinéaste, Le Professeur demeure son chef-d’oeuvre méconnu. Exploité en France dans une version raccourcie, ce film est pourtant le sommet du romantisme zurlinien, malade et sans issue, poisseux et sans illusions. Portée par un Delon au sommet de son art, mélancolique et déglingué, cette histoire d’amour fou et de malédiction sociale laisse un sentiment de somptueux désastre. D’autant qu’à la beauté malade de Rimini s’ajoute le charme mortifère de Sonia Petrova. Un sommet de viscontisme
Le Survivant de Boris Sagal (1971)
Dans cette adaptation du classique Je suis une légende de Richard Matheson, Charlton Heston est le dernier homme sain sur terre après qu’un virus a décimé la population de la planète (dans une scène restée célèbre, il se projette en boucle Woodstock dans un immense cinéma vide). La nuit, notre surhomme futuriste doit lutter contre une secte de renégats contaminés, transformés en vampires médiévaux. L’utilisation du Scope pour filmer Los Angeles désertifié est impressionnante et Le Survivant difficile à oublier, surtout si on l’a vu à 13 ans, un mercredi après-midi.
Une Aventure de Billy The Kid de Luc Moullet (1971)
Tandis qu’une Nico des montagnes glapit le célèbre slogan fullérien « A girl is a gun », Jean-Pierre Léaud, campant le fameux hors-la-loi, parle « indien » sous-titré en anglais, se bat contre des cowgirls impitoyables et s’extirpe, par la seule force de sa nuque, en Munchhausen pistolero, d’une faille rocheuse où on l’a emprisonné, au fond d’un canyon de Haute-Provence. Le voir ne suffit pas pour le croire, surtout quand le projectionniste introduit de l’aléa dans les bobines. A moins que… On en frissonne.
Le Cirque des horreurs de Sidney Hayers (1960)
Un chirurgien esthétique, un rien maniaque, est obligé de changer d’identité et trouve refuge dans un cirque, constituant une troupe d’anciens criminels et de femmes défigurées auxquelles il a redonné un visage. Le thème du savant fou et l’univers forain réconciliés par ce sommet du film d’épouvante anglais, aussi perversement logique dans son scénario que flamboyant dans sa facture. Et il est difficile de ne pas y voir une parodie du personnage de James Stewart dans Sous le plus grand chapiteau du monde, médecin devenu clown car meurtrier par amour.
Une Folle envie d’aimer (Orgasmo) d’Umberto Lenzi (1968)
Cinéaste opportuniste, Lenzi a donné le meilleur de lui-même dans une vénéneuse trilogie aux ingrédients immuables : histoire de manipulation et de folie, entre Aldrich et Répulsion, combinatoire érotique, hallucinations psychédéliques, pour des récits piégés et troublants où héroïne et spectateurs s’abandonnent à un vertige des sens. Suprême abîme : un visage de femme (ici Carroll Baker, ex-Baby doll), toujours opaque, toujours double. C’est la leçon de Vertigo que Lucio Fulci récrivait au même moment dans Perversion story.
Le Porteur d’eau est mort de Salah Abou Seif (1978)
Aussi grand que Chahine, ce pilier du cinéma égyptien, souvent associé à Naguib Mahfouz, excellait autant dans la fresque épique que dans les drames sociaux violemment incarnés qui ont fait sa gloire. Mais ce film de vieillesse, porté par l’immense Farid Chawki, transcende toutes les catégories. C’est une histoire de deuil surmonté, de mort filmée depuis la tombe (tentation dreyérienne) et de survie têtue et sensuelle, dont les constantes ruptures de ton n’ont guère d’équivalent que chez Ford.
50,81 % de Raymond Depardon (1974)
Toujours bloqué par Valéry Giscard d’Estaing, coproducteur et principal « acteur » de ce document unique, 50,81 % n’a été projeté que dans les festivals et lors de quelques séances clandestines. Depardon n’a pourtant pas cherché à piéger Giscard. En se souvenant de Primary de Richard Leacock, il a montré de l’intérieur comment fonctionne la machine politique. S’il est normalement manoeuvrier et plus « bête politique » que jamais, Giscard y apparaît comme plutôt ouvert et sympathique, figure du bourgeois contemporain et éclairé. Allons, Valéry, encore un effort pour être moderne !
Nature morte de Sohrab Shahid Saless (1975)
A l’instar du cinéaste, mort dans l’oubli à Chicago l’été dernier, le héros de Nature morte, un vieux garde-barrière, vit en ermite avec sa femme près d’une voie de chemin de fer perdue dans la campagne. Routine ascétique, gestes lents et mécaniques, souvent filmés en longs plans-séquences. On pense à Ozu en plus dépouillé : dialogues et psychologie réduits, litotes à foison. Immense pudeur du vieil homme qui n’échange pas trois mots avec son fils, mais qui en le voyant dormir s’inquiète de sa maigreur. Plan sublime du départ du fils vu de loin à travers une vitre sale.
Mon XXéme siècle d’Ildiko Enyedi (1989)
A la fin du siècle dernier, deux jumelles, Lili, anarchiste, et Dora, voleuse de charme, sont courtisées par le même homme et parcourent le monde. Ce film mosaïque, placé sous le signe de l’électricité et de la zoologie, est une féerie souvent nocturne, au noir et blanc raffiné proche du style classique hollywoodien, mais à la narration impressionniste, décousue, pleine de fantaisie. Après cette dense première oeuvre, la prometteuse cinéaste n’a plus donné de nouvelles, jusqu’à son retour, il y a peu, avec une fiction de la série télé 2000 vu par…
Lettre pour un ange de Garin Nugroho (1994)
Sauvage, primitif, naïf, le meilleur film de Nugroho se déroule sur une île perdue d’Indonésie où un chef de gang sanguinaire déguisé en Elvis Presley sème la terreur dans les villages, pendant qu’un enfant rêveur de 9 ans découvre le pouvoir magique de l’image photographique. Cette oeuvre semi-documentaire (avec sacrifices d’animaux, guerre tribale, cérémonies funéraires), filmée au jugé, aussi fruste que poétique, cruelle qu’onirique, dépasse tout ce que les surréalistes les plus barrés (Buñuel compris) auraient osé imaginer.
Les Bons débarras de Francis Mankiewicz (1980)
Sorti en France cinq ans après sa réalisation, ce chef-d’oeuvre méconnu du cinéma québécois est l’une des descriptions les plus intenses d’une relation passionnelle entre un enfant et sa mère. Dans cette oeuvre lyrique, située dans le contexte de la vie quotidienne d’une famille marginale, la lecture des Hauts de Hurlevent par une adolescente (incroyable Charlotte Laurier) devient le terreau d’un terrorisme amoureux visant à détruire tout ce qui s’interpose entre elle et sa chère maman. Pour Mankiewicz (neveu de Joseph), l’amour, c’est la guerre.
Le Plein de super d’Alain Cavalier (1976)
Cavalier n’avait rien tourné depuis huit ans lorsqu’il signa cette comédie maussade, sorte de road-movie carburant à la testostérone : quatre hommes se retrouvent dans une bagnole que l’un d’entre eux est chargé de convoyer vers le sud de la France. Chacun a laissé derrière lui des embrouilles sentimentales qui le rattrapent en route, via les aires de service, et les rancoeurs battues en neige à mesure que défile le paysage autoroutier. A travers la déconne crue et cul de ces apprentis machos mal dans leur vie s’ébauche une réponse au féminisme radical qui dominait l’époque.
Repo man d’Alex Cox (1984)
Le désert Mojave, les friches suburbaines de LA, une Chevrolet Malibu au coffre surprenant, un Emilio Estevez en pleine période punky et en plein décollage, un Harry Dean Stanton deanstantonesque (génial, tout simplement), Iggy sur la bande-son, des répliques et des scènes cultissimes sur tous les campus de l’époque, le Kiss me deadly d’Aldrich en référence suprême.
Mona et moi de Patrick Grandperret (1990)
Ne pas oublier que son précédent film s’intitulait Courts-circuits. Avec Mona, et sous l’égide du romantisme destroy de Johnny Thunders, Grandperret faisait s’accoupler les pôles de la fiction et du documentaire, plaquait ses plans avec la même fièvre brouillonne et incandescente que le loser magnifique ses accords, trouait son récit comme l’autre lardait ses veines. Les deux doigts dans la prise, le cinéma français s’en trouvait tout électrisé.
The Swimmer de Frank Perry (1968)
Découvert au Festival de Locarno 97, The Swimmer est un authentique chef-d’oeuvre caché. D’abord, parce que Perry n’est pas estampillé « auteur », ensuite, parce que c’est un pur prototype, sans ascendance ni descendance. Situé dans un monde très easy et très sixties, plein de fêtes élégantes et de légèreté de vivre, le film retrace le calvaire aquatique d’un homme qui a perdu tout contact avec le réel. De piscine en piscine, Burt Lancaster y exhibe un corps splendide mais déjà marqué par le doute et le vieillissement. L’un des films les plus étranges de toute l’histoire du cinéma.
L’Ange de Patrick Bokanowski (1983)
Approche obsessionnelle et démultipliée du réel, théâtralité extrême, humains comme des poupées mécaniques au masque figé, musique lancinante : la répétitivité des rituels organisés par Patrick Bokanowski dans son unique long métrage laisse planer un danger imminent bien qu’abstrait. Dépourvu de dialogues comme de récit, le film est composé d’une suite de scènes de genre inspirées par la peinture ancienne, entrecoupées par l’image récurrente d’une silhouette gravissant un escalier sans fin. La plus belle expérience plastique du cinéma français.
Cocksucker blues de Robert Frank (1972)
Sollicité par les Rolling Stones eux-mêmes pour filmer leur tournée américaine en 1972, alors qu’il vient de réaliser la pochette de leur disque, Exile on Main Street, Robert Frank s’attarde sur les à-côtés sulfureux de leurs concerts. Et découvre la défonce comme mode de vie, partagée entre les drogues et le sexe, avec un peu de musique pour accompagner le festin nu. Les images de Keith Richard et de sa copine shootés au dernier degré, de Mick Jagger moulé dans sa petite culotte, déambulant dans sa chambre à coucher, illuminent Cocksucker blues. En captant au plus près la vie extrême de ces temps morts la vie en avion, à l’hôtel , le photographe et cinéaste suisse offre des Stones une image à la hauteur de leur réputation. Qu’ils refusent pourtant d’assumer puisque le film n’a jamais pu être distribué, pour cause de subversion aggravée et aggravante.
Vanishing Point de Richard C. Sarafian (1971)
Oubliez Easy Rider et Sugarland express, le road-movie ultime de la charnière contestataire 60-70’s : c’est Vanishing Point, course folle gonflée aux amphètes, gorgée de soul vintage et des imprécations de Cleavon Little. Le final sucidaire, qui voit la Dodge Challenger de Kowalski s’immoler contre un barrage de Caterpillar, n’a rien à envier aux explosions apocalyptiques qui clôturaient Zabriskie Point. Le groupe anglais Primal Scream, pas le dernier dépositaire du bon goût, ne s’y était pas trompé en rendant hommage à Sarafian avec leur dernier album.
La Bague de Lise Revere (1966)
Le vrai chef-d’oeuvre oublié des Swinging sixties françaises. Une bague circule de doigt en doigt dans une communauté gauchiste, qui vire partouzarde soft sur la fin. Actrices superbes, expérimentations psychédéliques qui préfigurent celles de 2001, sensualité solaire des corps, multiples figures allégoriques de l’objet transitionnel, ton vraiment subversif… Ce parangon de la contre-culture figurait dans le Top ten 66 de Positif. Quant à Lise Revere, après avoir vécu maritalement pendant dix ans avec un comptable du Trésor (authentique !), elle s’est, aux dernières nouvelles, retirée (et sans doute définitivement barrée) dans une secte en Lozère.
Celles qu’on n’a pas eues de Pascal Thomas (1980)
Cinéaste sensible, doué pour filmer le bonheur, directeur d’acteurs sous-estimé (Menez n’a jamais été meilleur sinon chez Rozier, Ceccaldi, idem, sinon chez Truffaut), Pascal Thomas a très vite été confiné dans des valises, de « naturalisme lyrique bourgeois » à « nouveau naturel publicitaire ». Celles qu’on n’a pas eues est son film le plus âpre. Le sketch du thanatopracteur, en particulier, est proprement ahurissant.
La Blessure (Cutter’s way) d’Ivan Passer (1981)
Un des plus beaux films américains de la précédente décennie et le chef-d’oeuvre d’un cinéaste scandaleusement oublié. Fleuron de la Nouvelle Vague tchèque, contemporain et collaborateur de Milos Forman, Passer a débuté sa carrière américaine en 71 par un autre beau film oublié, Born to win. Dans Cutter’s way, deux hommes et une femme (sublime Lisa Eichhorn) tentent de retrouver un peu de dignité à leurs propres yeux. Un éloge de la constance et du refus de « s’adapter ». The Big Lebowski sera l’écho parodique de cette fable subtilement désenchantée.
So dark the night de Joseph Lewis (1946)
Malgré une trentaine de réalisations de 1937 à 58, Joseph Lewis est resté comme l’homme d’un film, Gun crazy, qui servit de matrice à Godard pour A bout de souffle. A ce classique de série B, on peut préférer le très étrange So dark the night, l’histoire d’un homme qui enquête sur un crime et s’aperçoit progressivement qu’il en est lui-même l’auteur. Troublant par son thème, le film l’est aussi par sa structure et son esthétique : il débute comme une bluette naturaliste, une banale histoire d’amour dans une France bucolique passée au filtre des clichés américains. Puis, une inquiétante étrangeté s’insinue, la nuit prend le pouvoir et le film plonge le spectateur dans les gouffres délicieux de la schizophrénie.
Maciste contre la reine des Amazones de Jess Franco (1973)
On ne présente plus l’extravagant Jess Franco, réalisateur de plus de cent quatre-vingts films, de série B ou Z, sous différents pseudos. Maciste contre la reine des Amazones (également titré Les Amazones de la luxure et signé Clifford Brown) est une sorte de péplum grivois, mais surtout un objet filmique à peine identifiable, peut-être la chose la plus étrange conçue par ce diable de cinéaste, qui parvient ici à plonger ses plus irréductibles fans dans un état de torpeur ou de crise nerveuse. La débilité considérée comme un des beaux-arts. A consommer avec modération tout de même.
Colorado de Sergio Sollima (1967)
Moins connu que Leone ou Corbucci, Sollima a réalisé deux westerns italiens magnifiques, Le Dernier face-à-face et Colorado, haletante chasse à l’homme opposant un chasseur de primes (sobre Lee Van Cleef) et un péon injustement accusé de viol (génial Tomas Milian). Ou comment un petit western bis, admirablement servi par l’intelligence de sa mise en scène (une fois de plus aidée par la musique de Morricone) et l’inventivité de ses dispositifs (un duel couteau contre pistolet), est également une astucieuse métaphore politique sur la lutte des classes.
La Nuit porte-jarretelles de Virginie Thévenet (1984)
Comédienne chez Truffaut, Chabrol, Rohmer ou Assayas, Virginie Thévenet a transformé un coup d’essai en coup de (petit) maître. Envers foutraque et amateur d’un chef-d’oeuvre répertorié (Les Nuits de la pleine lune, où elle apparaît), son film va du Palace à l’Olympic en passant par les Halles pour saisir la pulsation nocturne des si douces et si légères années 80. D’un érotisme gentillet et pré-sida, il sera revu utilement par les sociologues et les nostalgiques des Pacadis-Emaer. Et par tous les garçons qui avaient 17 ans en 84 et ne savaient encore rien faire au lit.
Mais… qu’avez-vous fait à Solange ? de Massimo Dallamano (1971)
Un objet réellement vénéneux que ce giallo (thrillers érotico-sadiques, inventés par Mario Bava puis par Dario Argento) signé par un ancien chef-op à qui l’on doit quelques perles du bis italien. Dallamano, visiblement très troublé par son sujet (la sexualité frénétique de très jeunes collègiennes, puis leurs meurtres), laisse libre cours à ses fantasmes réacs. La mauvaise pulsion poussée à son paroxysme, dans un emballage easy-listening Morricone à son top. Pour pervers et cinéphiles, selon la formule consacrée.
Targets de Peter Bogdanovitch (1968)
Documentaire sur la part nécrophile inhérente à la cinéphilie, Targets signe l’acte de décès d’un âge d’or de l’épouvante, incarné ici par Boris Karloff. Preuve qu’une éminence critique spécialiste
de Ford et Hawks pouvait s’accomplir dans la série B et poser les bases d’un genre nouveau et bientôt florissant, le film de serial-killer. Le dernier plan est magnifique, à l’aune de ce film à la splendeur et à l’importance sous-estimées. Ce fut le premier réalisé par Bogdanovitch et, hélas pour lui, incontestablement son meilleur.
Pitié pour le prof ! de Silvio Narizzano (1978)
Non, ce n’est pas un nanar italien, mais l’histoire d’un instituteur affecté au fin fond du Grand Nord canadien dans les années 20. La comédie grince, fondée sur l’humiliation d’un personnage en butte
aux quolibets des pionniers, avant de virer au mélodrame en sourdine, lorsque notre héros tombe amoureux sans espoir d’une femme battue par son mari. Pourquoi est-ce si beau ? Parce que ce clown blanc, c’est Bud Cort, ex-Brewster McCloud chez Altman, ex-Harold (et Maud), masque
burlesque qui aurait dû être le Harry Langdon maigre de notre temps.
El Chuncho de Damiano Damiani (1966)
Un classique du western révolutionnaire (qui se conclut par le slogan « N’achète pas du pain, achète de la dynamite »), catégorie remarquable du western transalpin qui offrit les meilleures réussites de la fiction de gauche italienne, bien plus efficace lorsqu’elle subvertit le cinéma de genre. El Chuncho est une parabole sur l’interventionnisme de la CIA en Amérique latine, portée par le lyrisme de la mise en scène de Damiani, rarement aussi inspiré, la musique de Luis Bacalov et une interprétation inoubliable de Lou Castel, Gian Maria Volonté et Klaus Kinski.
Biquefarre de Georges Rouquier (1983)
Ce tableau rigoureux sur la vie des paysans, à l’heure de la désertification des campagnes et de la mécanisation à outrance, est la suite de Farrebique tourné dans les mêmes lieux et les mêmes conditions en 1946. Docu-fiction interprété par la famille aveyronnaise du cinéaste, Biquefarre ne consacre rien au folklore et reste un modèle du genre. On retiendra notamment le magnifique ballet de machines agricoles chorégraphié par un montage brillant.
Flammes d’Alfo Arrieta (1977-78)
Histoire de séquestration et de frustration sublimée : Barbara (la toute jeune Caroline Loeb), cloîtrée dans la forteresse familiale, attise seule sa virginité dans l’attente de l’incarnation de son prince charmant sous les traits d’un Homme-Pompier rutilant. Sous l’inertie maladive des personnages crépitent des fantasmes luxurieux dans un désir commun d’être flambés vifs. La mise en scène lèche le spectateur jusqu’à le soumettre à la fièvre froide ambiante. Arrieta ou comment passer de l’esprit à la chair, par l’épreuve des flammes.
L’Au-delà de Lucio Fulci (1980)
Le meilleur film italien de zombies, construit autour de scènes révulsives et illogiques (des mygales cannibales surgies de l’enfer), réalisé par un cinéaste fasciné par la violence et le macabre et qui, après quelques thrillers morbides (Perversion story), s’est littéralement « lâché » au moment de la mode du gore. On a trop longtemps considéré Fulci comme un tâcheron ou un opportuniste pour ne pas revenir sur les qualités plastiques de L’Au-delà, véritable poème putride, qui multiplie les espaces déconnectés, les dimensions parallèles, évoque Lovecraft et même Artaud.
Sur mon rocher de Laurent Haber (1977)
Héritier de Truffaut et d’Eustache, Haber n’a réalisé que cette petite merveille avant de disparaître. Dans un bourg de Loire-Atlantique, un adolescent épie et parasite les rites sociaux tout en s’inventant un monde autarcique plein de complots obscurs et d’enquêtes à résoudre. Avec trois fois rien, le film oscille entre rendu naturaliste de la province française immobile et émergence d’un fantastique malaisant. Proche à la fois d’Une Vraie jeune fille de Breillat et du Club des Cinq, ce film paraît avoir totalement disparu de la circulation. Il est grand temps de le redécouvrir.
Erreur de jeunesse de Radovan Tadic (1990)
Sans être culte, le film a laissé un souvenir étrange à tous ceux qui l’ont vu, et surtout des images obsédantes : des lignes noires et blanches, les seins d’Isabelle Weingarten, Géraldine Danon dans le rôle du fantasme féminin, Patrick Bauchau surjouant le dandy gégauvien, et l’immense Paul Muni parlant de sa petite voix douce et inquiétante. Que racontait-il donc ? Sans doute pas grand-chose… Une histoire d’amour ?
Le Spie vengono dal semifreddo de Mario Bava (1967)
Il s’agit de la version italienne de Doctor Goldfoot and the girl bomb (titre de la version américaine), dans laquelle les Siciliens Franco et Ciccio, tandem comique vilipendé en raison d’un humour grimacier pourtant hilarant, volent la vedette au vrai héros du film, Vincent Price.Considéré abusivement comme le pire navet du grand Mario Bava, ce film mineur mais délirant peut se voir comme le brouillon de son chef-d’oeuvre Danger diabolik ! Le Spievengono… serait à Méliès ce que Danger diabolik ! est à Feuillade : un pastiche maniériste truffé d’idées folles.
Echoes of silence de Peter-Emmanuel Goldman (1964)
New York filmé dans une chambre noire et blanche, un minuscule boîtier de mélancolie, des suites de solitudes étanches, un free-jazz maladif. Et partout, le silence : entre les plans, entre les corps, entre les sons, entre les rues, entre les gouttes.
Les Naufragés de l’île de la Tortue de Jacques Rozier (1976)
Après Du côté d’Orouet, film maudit, Rozier revint à une production classique, tout en restant fidèle à son comique de la durée et à l’étude de ces failles temporelles justement appelées vacances. Ici, le patron d’une agence de voyages, exploitant la fascination de ses contemporains pour l’utopie régressive, transforme les estivants en Robinson volontaires. Pour le pire, forcément. Coup de génie d’un maître du casting (Pygmalion de Bernard Menez !) : faire incarner la volonté de puissance par Pierre Richard, qui trouve là le rôle de sa vie.
Matewan de John Sayles (1987)
Pourquoi n’a-t-on jamais vu en France le chef-d’oeuvre de Sayles, qui retrace un épisode authentique des luttes syndicales en Virginie occidentale en 1920 ? Certes manichéen, le film vaut non seulement pour cette trop rare conscience politique et historique, mais surtout parce qu’il retrouve des accents fordiens, tant dans la forme épique empruntée au western que dans l’exaltation d’un idéal communautaire, exprimé à la fois par un filmage unanimiste, par le regard fervent d’un enfant (Will Oldham, le vrai !) et par une folk-music qui mérite amplement son nom.
Le Vagabond de Raj Kapoor (1951)
Une des perles de Bollywood, le Hollywood indien. Réalisé et interprété par Raj Kapoor, illustre rejeton d’une grande lignée de comédiens, le film met en scène Raju, personnage chaplinien persécuté et emprisonné. Proche des films romantiques du grand Guru Dutt, mais moins déchirant, ce mélodrame social dans le style de Bombay, c’est-à-dire truffé de chants et de danses, imbrique de façon idéale une problématique proche du néoréalisme et la comédie musicale la plus féerique.
Comme la lune de Joël Séria (1977)
La dernière fois que ce film a été diffusé à la télé, c’était, en point d’orgue, à La Nuit de la connerie sur Canal+. Ça situe le débat. Comme dans presque tous les films de Joël Séria (Les Galettes de Pont-Aven), l’essentiel repose sur le grandiose Jean-Pierre Marielle seventies et sa faconde de playboy provincial, coq de (très) basse-cour régnant sur une portée de bécasses (ici Sophie Daumier, vulgaire à souhait dans son rôle de Bardot charcutière), croonant de son mâle organe des dialogues à côté desquels ceux d’un Bertrand Blier passent facilement pour des extraits du missel. Costards marronnasses, Pento et GS sport vert olive : l’idée qu’on se fait d’un schpountz coureur de jupons, cocu qui s’ignore et ringard pitoyable, n’a jamais trouvé plus juste incarnation.
Tarot de Rudolf Thome (1986)
Pour sa seconde adaptation des Affinités électives de Goethe, Rudolf Thome abandonne les expérimentations de ses premiers films et parvient à un degré de maîtrise et d’élégance dans la conduite du récit qu’il peinera à retrouver par la suite. Regroupé dans une maison langienne près de la rivière, un majestueux quatuor de comédiens s’adonnent à la chimie des sentiments. Serti d’un écrin rohmérien (on y voit un extrait des Nuits de la pleine lune), Tarot s’inscrit comme un accomplissement du romantisme allemand.
Matalo ! de Cesare Canevari (1970)
Dans un western spaghetti pourtant habitué à tous les excès, ce film réussit à faire figure d’ovni expérimental. Tout y est poussé au paroxysme : distorsion décadente des figures (un duel au boomerang), sauvagerie des situations, jeu halluciné des acteurs (Lou Castel), stridences visuelles et sonores, et surtout, déconstruction d’un récit virtuellement incompréhensible. A ce stade, tout peut arriver, rien n’arrive plus. Vaste entreprise de démolition, voilà un film proprement aveuglant. Le nihilisme du titre le dit bien : cette bande s’autodétruira…
Les Honneurs de la guerre de Jean Dewever (1960)
En plein gaullisme triomphant, et bien avant Le Chagrin et la pitié, un cinéaste français osait s’attaquer à la récriture officielle de l’Histoire et montrait la Résistance comme une réaction tardive, aléatoire et minoritaire. En conjuguant sensualisme renoirien et humanisme de combat, Dewever dénonçait toute l’absurdité d’une guerre qu’on fait durer pour n’avoir pas osé la commencer à temps. Antidote absolu à La Grande vadrouille, le film de Dewever possède son pendant allemand, Le Pont de Bernhard Wicki.
Wanda de Barbara Loden (1970)
Aquoiboniste sans éducation, inapte à élever ses enfants, à trouver un travail, Wanda l’avoue, elle « n’existe pas », n’impulse aucun mouvement, ne fait que suivre, passive. Pourtant, il faut croire Barbara Loden quand elle clame « Wanda c’est moi ! » En incarnant (littéralement) cette femme déchue pour en faire le point focal et la dynamique paradoxale de son film, elle rend à Wanda sa dignité, transfère en elle toute son abnégation de réalisatrice pour accomplir ainsi l’une des oeuvres les plus puissamment féministes du cinéma américain.
Ai (Amour) de Taka Iimura (1963)
Que voit-on ? D’abord deux corps soudés, enchâssés dans un noir et blanc hyper-contrasté. Close-up. Une bouche suçant un lobe. Mais est-ce vraiment un lobe ? Et là ? Un oeil ou un sexe ? Un mamelon, un hippocampe échappé de chez Jean Painlevé ? Qui, de Cronenberg ou de John B. Root, fouille l’autre ? Et ces bruissements, le vent dans les pores ? Non, Yoko Ono. Apôtre de la synecdoque gynéco, Iimura subvertit la pornographie, expose pour mieux enfouir. On n’a rien vu. On n’a rien vu d’aussi beau.
Encore (Once more) de Paul Vecchiali (1988)
Encore, moins la tragédie musicale d’un R. W. Fassbinder sous perf Starmania troussant le rétrovirus (« Le sida c’est la vie ») que la propagation d’un trop-plein d’amour conduisant à l’apprentissage de la solitude. L’absence de filet et l’urgence qui régente chacune de ces neuf stations/ plans-séquences (s’ébattre et se débattre avant que ne se vide le chargeur et ne pourrisse le sang) contaminent tous les personnages, dont une Florence Giorgetti proprement hallucinante.
Le Départ de Jerzy Skolimowski (1967)
Oui Oui et la voiture jaune redessiné par Jidéhem. Preuve que Skolimowski lisait Spirou dans la Pologne des années 60. Après un premier plan citation à col roulé des 400 coups, tout va aller très vite pour Léaud. Houdini dans un coffre à bagages, Keaton survitaminé partout ailleurs, Jean-Pierre fait le Jacques, désarticule sa plastique, s’ébroue, lève la patte contre les lignes bruxelloises idéalement architecturées par Skolimowski. Totalement euphorisant, Le Départ oeuvre pour la réhabilitation sans condition des histoires belges.
Go go, second time virgin de Koji Wakamatsu (1968)
Wakamatsu est un furieux, un ecchymosé, un punk, un gauchiste pornocrate, un yakusa limace, un enfant huître. Il filme, pour toujours, en quête d’une pureté perdue, violée, retrouvée dans le suicide, dans le politique, dans l’impuissance. Une heure trente de tension sur un toit, en noir et blanc et en Scope, viscères au poing, sans issue, sans repos, sans mesure. Et ce titre ! Après lui, le cinéma japonais peut pourrir, qu’importe.
Un Homme qui dort de Bernard Queysanne (1974)
Réduisant son existence à un aspect strictement fonctionnel et fuyant tout contact humain, un étudiant (Jacques Spiesser) déambule sans but dans Paris, pendant qu’une voix (off) l’exhorte au détachement, puis à la révolte. Adaptation d’un essai de Georges Perec, cette fascinante anti-fiction, semi-documentaire aux sons asynchrones, est un exemple unique en son genre. Un film littéraire dont le texte incantatoire (dit par Ludmila Mikaël) impulse du sens et de l’émotion à des images neutres et à un personnage vacant.
Dans la chaleur de Saint-Tropez de Gérard Kikoïne (1982)
Un film porno est toujours aimé en secret. Et Marilyn Jess, la hardeuse eighties ultime. Là,
elle paraît avoir 19 ans pour emmener Gérard Kikoïne dans une spirale sadienne. Tout y est dépeint, dénoncé : le cinéma, les producteurs, la chair fraîche, l’argent, la cruauté, le regard, la peau, la marque du maillot. C’est aussi le dernier film porno, puisqu’il ouvre une brèche sur cet entre-règne, cet entre-deux : l’intromission d’une caméra vidéo.
Iguana de Monte Hellman (1988)
Beckettien rompu au jeu de go (The Shooting) avant de mettre un tigre dans le moteur de Sisyphe (Two-lane blacktop), Monte Hellman livrait avec le rarissime Iguana une oeuvre où le crépusculaire le dispute à l’incandescent. Dans une île à la beauté toute moonfleetienne, un Janus au visage lézardé plonge ses otages dans des abîmes de sadisme avant de se laisser engloutir dans les flots. Difficile de ne pas y voir la destinée d’Hellman, cinéaste paria fin de race, digne descendant de Nicholas Ray et secret le mieux gardé d’Hollywood.
The Wicker man de Robin Henry (1973)
Dans une île écossaise coupée du monde, un policier dévot et coincé est confronté aux survivances d’un culte non pas satanique, mais authentiquement païen qui ignore le péché. Rites de fertilité, transes, orgies et folk anglais, le tout théorisé par le seigneur des lieux, dont l’exaltation est finalement moins druidique que sadienne, Christopher Lee oblige. Le scénario génial d’Anthony Shaffer (auteur du Limier) oscille ironiquement entre tentation et répulsion, jusqu’à un final hallucinant. Un très grand film sans postérité.
Supernichons contre mafia de Doris Wishman (1974)
Oubliez Ed Wood. Doris Wishman est sans aucun doute le cinéaste le plus incompétent de l’histoire du cinéma. Et pourtant, Supernichons contre mafia est un must absolu pour les amateurs de curiosités, grâce à la légendaire Chesty Morgan (déjà dans Mamelle’s story), une entraîneuse au visage ingrat mais dotée de mensurations hors norme . Elle joue maladroitement une espionne à laquelle on a greffé un appareil photo dans le sein droit : la bonne raison pour exhiber toutes les cinq minutes une paire de loches monstrueuses. Un spectacle pathétique, qu’il faut voir pour le croire.
La Cité des dangers de Robert Aldrich (1975)
Du stupre et de la violence, mais surtout beaucoup de mélancolie dans La Cité des dangers, où un flic romantique, obsédé par l’Europe (Burt Reynolds dans son meilleur rôle), est amoureux d’une pute française (Catherine Deneuve). Un film en rupture avec toutes les conventions du polar urbain, qu’il semble épouser pour mieux les inverser, sous le signe de l’aléatoire. Le génial Aldrich fait mieux que Cassavetes et Peckinpah réunis et signe avec ce film malade le chef-d’oeuvre inconnu du cinéma américain moderne.
The River’s edge de Tim Hunter (1987)
Une bande d’adolescents décérébrés (dont Keanu Reeves et l’extraordinaire Crispin Glover) découvrent un cadavre et devinent très vite l’identité du coupable, mais observent la loi du silence, sous l’influence maléfique d’un Dennis Hopper droit sorti de Blue velvet. Cette peinture du vide intellectuel et affectif d’une certaine Amérique, sapant les clichés du « film de jeunes », procure un malaise durable, tant par sa noirceur que par sa manière (proche de Comme un chien enragé) d’associer acte moral et dénonciation.
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