Pour sa deuxième sélection officielle, le cinéaste québécois a réuni une affiche de stars françaises. Rencontre avec le cinéaste et ses proches, dans le quartier de Mile End.
Séparé du centre-ville par le plateau du mont Royal et ses arbres touffus où fondent les dernières neiges de début de printemps, le quartier de Mile End est un peu le Brooklyn de Montréal. Loin des buildings downtown, les habitations, dans un style nord-américain traditionnel, excèdent rarement deux ou trois étages.
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Tout ce que la ville compte de musiciens, de cinéastes et de hipsters de tous poils, est installé dans ces quelques rues où pullulent les salons de thé cosy, les boutiques prisées de bagels et les marchés bio pointus. Dans ce cocon où la douceur de vivre prime et où le temps semble s’écouler down-tempo, Xavier Dolan est dans la plus vive agitation. Installé dans son bureau monacal, il s’active à la fois sur les finitions de son nouveau film et sur la préproduction du suivant.
Casting de stars des deux côtés de l’Atlantique
Le nouveau, c’est Juste la fin du monde, une adaptation de la pièce de théâtre du dramaturge français Jean-Luc Lagarce, pour laquelle le jeune cinéaste québécois a mis la main sur un aréopage de stars hexagonales : Gaspard Ulliel, Léa Seydoux, Marion Cotillard, Vincent Cassel et Nathalie Baye. Le suivant, dont le tournage débutera l’été prochain et qui sera le premier film en langue anglaise de Dolan, s’intitule The Death and Life of John F. Donovan.
Kit Harington, l’iconique Jon Snow de Game of Thrones, y interprète un acteur hollywoodien, John F. Donovan donc, entretenant une relation secrète avec un jeune garçon britannique. Une malveillante rédactrice en chef d’un journal people s’acharne à lui nuire. La méchante en question sera jouée par Jessica Chastain. Susan Sarandon sera la mère de John F. Donovan, Kathy Bates sa manageuse et Taylor Kitsch (Friday Night Lights, True Detective…) son cousin.
La recrudescence de stars francophones et anglo-saxonnes des deux distributions dit assez bien l’explosion de la cote de Xavier Dolan des deux côtés de l’Atlantique, depuis le succès de Mommy (2014). Il se défend néanmoins d’avoir choisi ses comédiens en fonction de leur statut.
“Je ne fais pas des films conceptuels de commentaire sur le cinéma”
Lorsqu’on lui demande si Juste la fin du monde est un film qui scanne un instant T du cinéma français et de son star system, comme pouvait l’être en son temps 8 femmes de François Ozon, il conteste avec toute l’impétuosité qui caractérise ses prises de parole.
“J’en ai rien à foutre du star system français. Pour moi, c’est pas un sujet. Je ne fais pas des films conceptuels de commentaire sur le cinéma. J’ai lu dans la presse que je m’embourgeoisais, que je ne tournais plus avec mes comédiennes, Anne Dorval, Suzanne Clément…, parce que maintenant je leur préférais des vedettes étrangères. C’est absurde !“
“Les personnages sont le cœur de mon cinéma”
“Les acteurs de Juste la fin du monde n’ont pas été castés pour leur notoriété, mais parce que chacun me semblait au plus près de son personnage. Gaspard Ulliel, je l’avais approché dès mon premier film, J’ai tué ma mère (2009), dans lequel j’avais envie qu’il joue mon amoureux. Pour des problèmes de dates, ça n’a pas été possible. Léa m’avait extrêmement touché dans La Vie d’Adèle. Son émotivité me semblait intéressante pour le rôle de la petite sœur.”
“Nathalie Baye jouait la mère de Melvil Poupaud dans Laurence Anyways et j’étais impatient de la retrouver… Plus j’avance dans mon métier et plus l’histoire, la fiction, les personnages sont le cœur de mon cinéma. La forme de mes films est extrêmement soignée, mais au service d’une émotion que je veux très directe, très instinctive.”
C’est néanmoins Anne Dorval, la maman dans J’ai tué ma mère et Mommy (qui joue dans quatre des cinq premiers films de Dolan), qui lui a fait découvrir le texte de Jean-Luc Lagarce. Elle avait interprété la pièce au début des années 2000, dans le rôle de Catherine, tenu dans le film par Marion Cotillard. Intuitive, elle était persuadée que le texte pourrait inspirer Xavier.
Une adaptation d’un texte de Jean-Luc Lagarce écrit en 1990
“J’ai lu la pièce une première fois, il y a cinq ou six ans, et je n’avais pas accroché. Je ne voyais pas ce que je pouvais en faire. En 2014, j’étais à Cannes pour Mommy. Un soir, je suis allé à la fête du film des frères Dardenne, Deux jours, une nuit, et j’ai vu Marion Cotillard. Je n’aime pas du tout embêter les gens en leur disant que je les admire, mais j’ai quand même eu envie de lui parler.”
“De lui dire que je la trouvais belle et surtout tellement créative. Elle m’a dit très simplement : ‘Moi aussi, j’aime beaucoup ce que tu fais’. On a un peu parlé et c’est là que le texte de Lagarce m’est revenu d’un coup. Je me suis dit qu’elle serait parfaite en Catherine. Sitôt rentré chez moi, j’ai relu la pièce et c’est devenu évident que ce serait mon prochain film.”
Jean-Luc Lagarce a écrit Juste la fin du monde en 1990. Un homme revient dans sa famille, après une rupture de près de dix ans, pour leur annoncer qu’il est malade et qu’il va mourir. Avant même qu’il ne fasse cette annonce, son retour provoque un déferlement de crises et de traumas enfouis. Lorsqu’il écrit le texte, Jean-Luc Lagarce se sait séropositif. Il succombe du VIH cinq ans plus tard et, même si le mot sida est absent du texte, les spectateurs de l’époque y lisaient l’écho puissant d’une épidémie qui a tant décimé. Le texte résonne avec un moment d’avant les trithérapies où le sida était une maladie incurable et mortelle.
Une époque floue
Dolan a choisi de détacher le texte de ses années 1990 d’origine. “Dans la pièce, la maladie n’est jamais citée et le film ne se situe pas en 1990. Pour moi, le personnage pourrait très bien être atteint d’un cancer, qui est le véritable fléau de notre temps. Je n’avais pas envie de dater l’action. Je voulais que cela reste flou. J’ai même envisagé d’écrire un carton au début du film : ‘Nulle part et n’importe quand’. Mais bon, ça aurait été suicidaire tellement c’est prétentieux !” (rires)
Nulle part ? En effet, le film ne précise pas dans quelle province ou même dans quel pays habite cette famille, exclusivement interprétée par des comédiens français. Il efface même les signes d’appartenance à un territoire. Mais le tournage, lui, a bien eu lieu au Québec. C’est une des particularités du système Dolan.
La méthode Dolan face au phénomène Adèle
Son cinéma trace des cercles centrifuges jusqu’à englober des stars françaises et hollywoodiennes, sans pour autant se déraciner de son terreau québécois. Il aspire à lui le cinéma international. Même la chanteuse la plus populaire du monde a dû se rendre à Montréal pour tourner le clip de lancement de son nouvel album.
“C’était amusant de faire venir Adele dans le cul du monde”
“Adele avait vu J’ai tué ma mère. Elle m’a demandé d’écouter sa chanson Hello, en m’affirmant que j’étais le seul cinéaste qu’elle ait contacté pour le moment. On a tourné en pleine campagne. C’était amusant de la faire venir vraiment dans le cul du monde. Adele a été une rencontre déterminante pour moi, et elle jouera dans The Death and Life of John F. Donovan. Et puis le clip est une carte de visite plutôt probante. Je ne sais plus combien de centaines de millions de vues il a fait sur YouTube, mais on a battu Taylor Swift. C’est tout ce que j’ai retenu.” (rires)
André Turpin conçoit la lumière des films de Xavier Dolan depuis Tom à la ferme (2013). Ce late quadra est un des chefs opérateurs les plus réputés du Québec, associé entre autres aux films de Denis Villeneuve, jusqu’à Incendies (2010). Dans un café de Mile End, il évoque avec amusement le tournage du clip Hello, l’arrivée d’Adele avec tout son staff dans une contrée sauvage du Québec.
Un cinéaste auquel il est difficile de dire non
Comme tous les longs métrages de Dolan, sauf le premier, le clip d’Adele a été tourné en pellicule. Et aussi en 70 mm, car Xavier voulait tester ce format très horizontal pour son prochain film, Juste la fin du monde (qui finalement sera en 1.85).
“C’est une idée un peu folle de tourner dans un si grand format un clip qui, pour l’essentiel, sera visionné sur des écrans de smartphones”, nous dit le chef op en riant. Lorsqu’on lui demande si, pour un objet industriel à si haut enjeu commercial que le clip d’Adele, la maison de disques impose un cahier des charges au jeune cinéaste, André Turpin éclate à nouveau de rire.
“Ce serait mal connaître Xavier ! Quiconque essaie de contraindre sa vision se voit répondre : ‘Pardon ? J’ai mal entendu, là. C’est trop cher ? Tu peux répéter ?’ Avec lui, c’est tout de suite ‘over my dead body’ et en général, l’interlocuteur rétropédale. Il sait rendre très compliqué de lui dire non. C’est parce qu’il est vraiment amoureux de son cinéma, comme peu de cinéastes le sont. Quand il tourne, il y a toujours un moment où son film devient un truc plus important que lui. Il me dit : ‘André, on doit ça au film’. Le film devient une cause suprême. C’est ce qui le rend si déterminé, si entêté.”
Une direction d’acteurs unique
André Turpin évoque aussi la direction d’acteurs très particulière de Dolan, consistant à se poster au plus près d’eux, à la limite du cadre, à jouer les répliques à voix haute, pendant la prise, pour ses comédiens, à les diriger à l’intérieur des plans.
“Il intervient de façon extrême dans la chirurgie du texte, le détail des intonations. Il invente des répliques en live. Avec Anne Dorval, c’est très impressionnant à voir. C’est un ping-pong fou, un laboratoire pour obtenir un petit regard étonnant, un déclic dans le jeu. Il laisse la prise durer quatorze minutes. Comme c’est lui qui fait le montage, il s’en veut parfois.”
“Il demandait à Léa Seydoux de parler toujours plus fort”
On lui demande s’il a ajusté sa méthode aux comédiens français de Juste la fin du monde. “Non, pas du tout. Xavier aime les acteurs dont on voit qu’ils jouent, ceux qui proposent des choses très construites. Avec Marion, ça a donc été une explosion d’amour. Il est moins à son aise avec les acteurs qui font confiance au cinéma, qui sont plutôt du côté de l’être, de la présence…”
“Il demandait par exemple à Léa de parler toujours plus fort. Elle avait un peu de mal. Par rapport à nous, les Français ne parlent pas fort. Vous ne savez pas crier ! (rires) Donc il répétait à Léa : ‘Allez monte plus fort !’ Elle est vraiment très bonne dans le film. Même si au final, par rapport à Mommy par exemple, c’est un film presque chuchoté.”
Xavier Dolan détecte infailliblement quels sont ses alliés
Sur la table de montage où il travaille, Xavier nous fait découvrir des images du film. Nathalie Baye campe une mère particulièrement excentrique, outrageusement maquillée, dans le prolongement de celles incarnées par Anne Dorval.
“Nathalie me répétait qu’en France, personne n’aurait osé lui demander d’être à ce point dans l’excès”, dit le réalisateur. Le film paraît néanmoins beaucoup plus dépouillé visuellement que le précédent. La lumière est plus crue, la gamme chromatique plus resserrée. “Oui, c’est un film bleu et brun.”
En rencontrant André Turpin ou Nancy Grant – sa productrice depuis 2013 –, on pressent qu’outre la prodigalité de son inspiration, son audace, la vigueur tumultueuse de son engagement dans le cinéma, une des grandes forces de Xavier Dolan est de savoir s’entourer, de détecter infailliblement quels seront les alliés de ses visions et de ses désirs. A André et Nancy, il faut ajouter Colombe Raby, la directrice artistique, les actrices Anne Dorval, Suzanne Clément, Monia Chokri… A des degrés de proximité divers, ils composent autour de lui une communauté extrêmement aimante.
Nancy Grant, productrice et carte maîtresse
De ces collaborateurs-amis, Nancy Grant est la carte maîtresse. La jeune et séduisante productrice (qui produit aussi les films de Denis Côté et Maxime Giroux) a eu un coup de foudre pour le cinéma de Dolan, dès son premier film. “Quand j’ai vu J’ai tué ma mère, j’ai été saisie. Je me suis dit que c’était exactement le film que j’aurais voulu produire. Puis trois ans plus tard, j’ai découvert Laurence Anyways à Cannes et j’étais en larmes. Doublement. Je pleurais d’émotion et je pleurais de ne pas avoir produit ce film !”
“Mon travail consiste à créer un environnement favorable à sa création”
“On s’était déjà croisés brièvement avec Xavier, dans une soirée à Montréal. Il m’avait abordé en me disant que j’avais une jolie robe et que j’avais l’air gentil. (rires) Puis on s’est retrouvés à une fête à Cannes, l’année de Laurence Anyways (2012). J’étais accompagnée d’un garçon qui lui plaisait et il faisait tout pour m’éloigner. ‘Nancy, tu veux pas que je t’appelle un taxi ?’ (rires). Finalement, c’est entre nous qu’il s’est produit un truc fort.”
“Je me suis retrouvée productrice exécutive sur Tom à la ferme. Puis j’ai produit son clip pour Indochine, College Boy. De là est née une amitié très forte. On a quasiment vécu ensemble ensuite pendant deux ans. Je lis ses scénarios au fur et à mesure qu’il les écrit, je l’accompagne en salle de montage. Xavier est très autonome dans ses décisions artistiques. Mon travail consiste donc essentiellement à créer un environnement favorable à sa création.”
Un sentiment de fierté chez un grand nombre de Montréalais
Avec une très grande tendresse, Nancy Grant poursuit : ”Je loue un chalet où on s’installe avec ses proches. Il écrit toute la journée, et le soir, après s’être bien concentré, il a besoin de récompenses. Il nous lit à voix haute ce qu’il a produit dans la journée. Ou alors on fait des jeux, on joue à la cachette. On est quelques-uns à veiller à son bien-être, à l’entourer d’amour. Il m’a dit une fois : ‘N’oublie jamais que je suis un bébé et un petit chat. (rires)”
Pour ses amis, les différents âges de la vie s’interpénètrent chez Xavier Dolan, car André Turpin dit aussi : “Son cinéma donne l’impression d’être formellement juvénile, pétillant. Mais je suis impressionné par sa maîtrise psychologique. Je me dis parfois : “Mais quel âge il a, putain ?” Il a l’intelligence des émotions d’un homme qui aurait déjà l’expérience d’une vie entière.”
Lorsqu’au hasard des rencontres de jour et de nuit dans Montréal, on demande à des habitants ce qu’ils pensent des films de Dolan, la plupart expriment un sentiment de fierté, se sentent représentés par son rayonnement international.
La bascule Mommy et la cote croissante des cinéastes québécois
“Avant Mommy, dit André Turpin, il y avait de la médisance dans le milieu du cinéma québécois autour de Xavier. On le percevait comme un ambitieux, un arrogant. Depuis le succès cannois du film, la sincérité de ses paroles à la cérémonie de clôture, on sent un grand respect. Il faut dire que Xavier a changé : il est plus apaisé, fait moins de déclarations à l’emporte-pièce.”
“Pour sa génération, Xavier peut faire figure de role model«
Nancy Grant raconte recevoir régulièrement des demandes de stages de jeunes gens qui citent des propos extraits du discours de réception du Prix du jury en 2014. “Ils citent : ‘Il faut croire à ses rêves parce qu’ils peuvent changer le monde et le monde doit être changé’. Pour sa génération ou des personnes plus jeunes, Xavier peut faire figure de role model.”
Cette fierté nationale n’est d’ailleurs pas circonscrite au seul cinéma de Xavier Dolan. L’un des événements majeurs du cinéma québécois, dans les années 2010, tient à l’intégration hollywoodienne de plusieurs de ses cinéastes. Après le succès d’Incendies, Denis Villeneuve a enchaîné deux films américains avec Jake Gyllenhaal (Prisoners et Enemy), connu le succès avec Sicario et prépare désormais Blade Runner 2. Le réalisateur de C.R.A.Z.Y. (2005), Jean-Marc Vallée, a permis à Matthew McConaughey de remporter l’oscar pour Dallas Buyers Club (avant de tourner lui aussi avec Jake Gyllenhaal Demolition). Hollywood a désormais un œil sur les cinéastes de Montréal. Et si les recettes de Mommy sur le territoire américain restent modestes, Xavier Dolan est désormais représenté par la puissante agence CAA.
Un exil hollywoodien auquel s’oppose la tectonique des plaques
Malgré son désir revendiqué de tourner au Québec, dans son humus naturel, on insiste en lui demandant s’il ne prévoit pas un jour de s’installer comme certains de ses compatriotes à Los Angeles. Catégorique, il répond : “Jamais. (pause) Jamais je ne vivrai dans une ville assise sur la zone de soustraction de Juan de Fuca. Tu sais ce que c’est ? C’est une ligne de faille sous l’eau le long de la côte Ouest. J’ai lu un article terrorisant dans le New Yorker.”
Il se lance alors dans un cours très élaboré sur la tectonique des plaques, prévoyant à courte échéance un séisme d’une magnitude de 9.2 sur toute la zone. “9.2 ! C’est la liquéfaction du sol. Tout ce qu’on voit autour de nous devient liquide. Ce séisme, qui advient régulièrement au cours des millénaires, est cette fois en retard de soixante-quinze ans. Hollywood fera trois ou quatre blockbusters là-dessus, avant que le moindre dollar ne soit dépensé par le gouvernement pour relocaliser les populations côtières. Donc non, vraiment, je ne me vois pas vivre à Los Angeles.”
On l’interroge alors plus en avant sur cette hantise de la catastrophe, au-delà même du souci sismique. “Je réalise des films à un rythme effréné. Je vis à un rythme effréné. Peut-être en prévision d’un moment où on me dira que je ne peux plus faire de film. J’ai conscience du luxe de ma situation.”
“On ne peut pas être acteur, réalisateur, et même égérie d’une marque (Vuitton – ndlr) sans se dire qu’on a une vie de privilégié et que cette exubérance-là a une qualité éphémère. Un jour, ça va s’arrêter. On vit dans des temps qui se contractent. Beaucoup plus rapidement et radicalement qu’avant. Je pense qu’avant le début de la troisième décennie du XXIe, les transformations seront telles qu’on aura déjà basculé dans le XXIIe.”
La bêtise de Donald Trump et Alan Rickman tombant du toit
On lui parle alors des attentats de Paris, de Bruxelles, du climat d’asphyxie au présent et d’angoisse face à l’avenir qui prévalent en Europe. Il répond que son enfance s’est arrêtée en septembre 2001 (il avait 12 ans). “Notre civilisation est en chute libre. Comme dans un film d’action où Alan Rickman tombe du toit. Sauf que le building est très haut et qu’il faut un peu de temps pour s’écraser au sol. Mais la chute est aussi verticale et inextricable.”
“Ça pourrait être l’effondrement du système capitaliste, une catastrophe climatique – les deux éléments sont de toute façon conjoints. J’ai une connaissance rudimentaire de ces choses – même si ça m’arrive de lire The Economist –, une compréhension infantile. Mais je le sais, je le sens.”
“Je vois la décomposition du tissu social, et Trump s’imposer comme un candidat sérieux aux USA, malgré sa bêtise et sa malveillance. Trump, c’est la fin de la civilisation. Ce sentiment de fin, on peut en voir les signes partout. Le monde est à feu et à sang. C’est Byzance. A la fin. Quiconque le nie est dans le déni.”
On comprend mieux alors ce choix de ne pas quitter Montréal. “C’est vrai. Ici, je me sens protégé.” On entend aussi la résonance très personnelle que prend pour lui le titre de la pièce de Jean-Luc Lagarce. Espérons que l’apocalypse en marche nous laisse suffisamment de répit pour découvrir sous peu le bien nommé Juste la fin du monde.
Juste la fin du monde de Xavier Dolan (Sélection officielle, en compétition)
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