Le 23 février dernier sortait en salles “Sous le soleil de Koutaïssi”, ode merveilleuse à l’amour d’Alexandre Koberidze.
Cinéma et poésie sont rarement en harmonie. Surtout quand le cinéma hurle qu’il est poétique. Deuxième film du géorgien Alexandre Koberidze, Sous le ciel de Koutaïssi ne hurle pas. Comme un vagabond de passage s’asseyant sur un banc où il fait bon prendre le soleil, il nous murmure une fable. Lisa et Giorgi sont deux jeunes gens qui, à force de se croiser par hasard, décident de faire connaissance. Rendez-vous est pris dans un café au bord du Rioni, le fleuve torrentueux qui traverse Koutaïssi. Mais la veille du rendez-vous, les voilà victimes d’un maléfice contrariant : ils perdent à la fois leur apparence physique et la mémoire de leurs métiers (Lisa est pharmacienne, Giorgi lui est footballeur). Commence alors une randonnée hors-piste, où les culs-de-sac sont aussi enchantés que les chemins de traverse sont excitants.
Ainsi d’un carrefour de la ville où quatre de ses résidents préviennent Lisa du mauvais sort qui l’attend. Soit donc : une plante, une caméra de surveillance, une gouttière et la brise. Une gouttière qui parle ? Une brise qui pense ? Une caméra qui doute ? Une plante qui réfléchit ? De qui se moque-t-on ! Certainement pas de nous, spectateur·trices à notre tour envouté·es, surtout quand une voix off nous recommande de fermer les yeux quelques secondes pour expérimenter, comme au meilleur de nos rêves, la puissance de ses charmes.
Dès lors il est tout à fait banal que quatre chiens des rues se disputent à voix haute la meilleure place pour assister à une finale de la coupe du monde de foot, ou qu’une exorciste, par ailleurs professeure de piano, fasse des gammes sur la lumière et ses effets sur le parquet, les feuilles des arbres, les remous dans le fleuve. Dans ces zones d’incertitude permanente, on jubile d’être égaré·e, le récit s’ingéniant à jeter des voiles plutôt qu’à les lever. Par exemple, quand au détour de ces apartés exquises, des enfants sortent d’une école par la fenêtre sans aucune sorte de nécessité scénaristique.
L’amour retrouve son chemin
Comme le dit alors une nouvelle bouffée de voix off : “Revenons à nos moutons”. C’est-à-dire à Lisa et Giorgi. Ils se reconnaissent dans le café de leur rendez-vous raté : elle est devenue serveuse, lui, s’est métamorphosé en arnaqueur forain qui propose au chaland le défi de tenir plus de deux minutes sur une barre fixe ou de manger quatre biscuits dans le même temps. “Et vous en avez d’autres de cette même farine ?”, demande-t-on au film. “Oui, oui”, répond le film, jamais en reste de déballer d’autres merveilles sur l’étal de son bazar : la recette ancestrale des khatchapouri (pain au fromage), ou, beaucoup plus mystérieux, un gâteau “aux néfliers du Japon”.
Sous le ciel de Koutaïssi est une symphonie de sortilèges diffractés qui insistent sur sa passion répétée pour les chiens et les enfants. Dans la note d’intention du film, Alexandre Koberidze, explique : “Y a-t-il quelque chose de plus beau que de filmer les enfants ? Peut-être les chiens ? En ces temps si tristes, l’existence exemplaire des chiens avec leur dévouement, leur honneur et leur dignité est pour moi une véritable consolation lorsque nos chemins se croisent.”
Sous le ciel de Koutaïssi d’Alexandre Koberidze en salle le 23 février
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