Lourde activité au 50 ème festival de Berlin. Malheureusement, Trop de films à voir, pas assez à retenir.
Dans la première semaine, seuls Rudolf Thome (Paradiso-Sept jours avec sept femmes) et François Ozon (Gouttes d’eau sur pierres brûlantes) ont su relever le niveau presque indigne de la Compétition. Thome, grand cinéaste du presque rien’, est capable avec une rare élégance de transformer une trame minimaliste en merveille d’ironie languide ; Ozon fait un détour par une pièce de jeunesse de Fassbinder pour creuser ses propres obsessions, prouvant enfin qu’il est un grand directeur d’acteurs doublé d’un metteur en scène redoutablement efficace dans l’espace clos du studio. Au Panorama, One More Day de l’iranien Babak Payami se détache par la puissance tranquille de ses plans et l’audace non trafiquée de son sujet. Enfin un film où le réel pèse vraiment, sans ostentation, sans dérobade, avec une maîtrise confondante. Au Forum, The Mission de Johnnie To, excellent film de genre, sait concilier trame routinière et trouvailles plastiques. Du côté japonais : Nabbie s Love de Yuji Nakae, comédie originale et alerte, Rendez-vous de Yamamoto Kosuke, splendide et mystérieuse errance nocturne, Homesick de Mito Hineki, chassé-croisé gracieux, et l’inénarrable One Piece !, suite de 15 plans-films strictement immobiles due à deux fous-furieux (Shinobu Yaguchi et Takuji Suzuki) qui eux savent se servir d’une DV pour inventer une formule originale et pensée. Mais le meilleur film est l’admirable Vacances prolongées de Johan van der Keuken. Sans jamais forcer le trait et sans mimer une légèreté de pose ou un pathos qu’appelle pourtant son état de santé, Keuken raconte son cancer de la prostate, ses médecins et ses voyages durant cette année de crainte et d’espoir. A chaque étape, il trouve le ton adéquat, la distance exacte, pour amener son cinéma à un point de perfection qui reste ouvert et amical. Ce film à la première personne du singulier embrasse l’univers entier et redonne une foi gigantesque dans le cinéma. A côté d’un palmarès où rien ne semble à sa place, trois films restent gravés en mémoire. Par exemple, les images d’un film qu’on n’est pas parvenu à aimer vraiment, malgré ses évidentes qualités plastiques, Leçons de ténèbres de Vincent Dieutre. Filmeur plus que doué quand il s’agit de capturer un coin de rue à Rome ou un balcon napolitain, souvent touchant dans la mise à nu de son insatiable besoin de consolation, Dieutre pêche par son incapacité à oublier Guibert ou Pasolini, à ramener toujours vers la sphère du culturel un film qui aurait été bien plus fort sans ses béquilles théoriques, picturales ou littéraires, qui affaiblissent la puissance du ressassement intime. Il n’empêche qu’il contient de beaux éclats coupants et la promesse du déploiement d’un cinéaste. Nuages de mai de Nuri Bilge Ceylan, le film turc de la Compétition, convainc par son sens de la durée nécessaire et son talent à faire exister vite et bien des lieux et des personnages connus par c’ur. Mais il agace autant qu’il séduit à cause de l’insistance de ses intentions auteuristes, répétant trois fois une même mise en abîme pour bien nous persuader que les films de Kiarostami ont été vus et digérés. Chris Marker, lui, réussit un film magnifique consacré à Andrei Tarkovski en assumant avec son intelligence coutumière sa veine la plus didactique. Dans la série Cinéma, de notre temps, Une journée d’Andrei Arsenevitch conjugue évocation forcément émue d’un ami disparu et balisage savant mais jamais hautain d’une uvre qui continue de fasciner sans avoir encore livré ses trames les plus secrètes. Avec l’art du montage alterné entre images de Tarkovski et plans de ses films, et son goût de la digression essentielle, Marker livre un Tarkovski au travail, intime et souffrant (il va bientôt mourir), tout en embrassant ses grands thèmes. Son film réussit le prodige d’être toujours à la juste distance, entre amitié et admiration, analyse pédagogique et récit d’une perte ineffaçable.
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