Des requins transgéniques à l’assaut d’un triathlon parisien : sous la promesse d’un sympathique B-movie gore, un bâclage idiot et presque insultant.
Mais à quoi bon vouloir s’inviter à un tel désastre ? On plaint le pauvre Vincent Dietschy, contraint de remuer ciel, terre, relais de presse et procès en plagiat pour obtenir réparation auprès de ce qui apparait pourtant aujourd’hui comme un ahurissant produit de consommation, dégainé par Netflix à quelques semaines, d’une part, des Jeux olympiques, et d’autre part de la fameuse baignade inaugurale de la maire Anne Hidalgo, qui a visiblement pris peur devant son écran ce week-end puisqu’elle vient d’en repousser encore une fois la date.
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L’argument, évidemment, est surefficace (Les Dents de la mer à Paris : la réunion de pitch a dû être courte) ; le traitement, lui, entérine un nouveau cran de dégradation qualitative et statutaire des productions de la plateforme. À son lancement français il y a dix ans, Netflix était le nouveau Canal + ; cinq ans plus tard, les esprits s’étaient finalement accordés pour y voir un plus modeste héritier symbolique de TF1 ; aujourd’hui, c’est de l’orbite de Nanarland que s’approche le géant, à force de s’accommoder de produits aussi dysfonctionnels et jetables que ce film catastrophe qui tient certes impeccablement son rôle – sa nullité notoire boostant sa viralité – dans une stratégie d’occupation de l’offre indifférente à la qualité des œuvres.
Surenchère de médiocrité
C’est ce qu’il faut au moins espérer : que personne, ici, ne se soit pris au sérieux. Possible que Sous la Seine s’enroule dans la commode excuse du grotesque assumé ; énervant néanmoins qu’il s’inscrive dans la tendance tristement cynique bien que déjà documentée du nanar volontaire : un Sharknado sans tornade, où rien ne compte vraiment, où tout se vaut sous la bannière d’une bouffonnerie inconséquente et d’une surenchère de médiocrité.
Au mieux le film est faible : interprétation mi-atone (Béjo) mi-outrancière (Marivin, mash-up d’Hidalgo, Pécresse et Dati) ; formatage ultimement flemmard des enjeux dramatiques (un “sanglant drame passé” par personnage en guise d’épaisseur, emballez c’est torché). Au pire, il s’affranchit de la cohérence scénaristique la plus élémentaire (comment est-on censé avaler qu’une maire et un préfet “enterrent” un drame de douze morts et maintiennent une course avec une probabilité de carnage à 100 % ?), jusqu’à un final qui interprète très librement les lois de la physique d’Archimède.
À l’encore pire, enfin, il se vautre politiquement dans une complaisance indécente à l’égard de la police, culminant dans une scène d’interpellation de SDF d’une mansuétude intolérable au regard d’un réel plutôt familier des tentes déchirées au couteau que des prévenances courtoises aux sans-abri. Bref : c’est la honte à tous les étages, à moins qu’on nous réponde, ce qui est probable, que notre erreur est d’avoir pris ça au sérieux. Mais, depuis quand le divertissement horrifique ne mérite-t-il qu’un tel bâclage dédaigneux ?
Sous la Seine de Xavier Gens, avec Bérénice Bejo, Nassim Lyes, Anaïs Parello – sur Netflix.
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