Entre La Mort aux trousses et Code Quantum, un joli thriller d’anticipation signé par le fils de David Bowie.
Après Moon, Duncan Jones confirme avec Source Code un goût certain pour une science-fiction dite “du milieu”, ni trop fauchée, ni trop ivre d’effets spéciaux.
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Jones a le goût des personnages claustrophobes, à qui il offre des sorties inédites : l’astronaute seul (?) de Moon et ici, Jake Gyllenhaal, accompagné d’un bataillon de personnages, mais tout aussi isolé en soldat qui doit remonter le temps ad nauseam et n’a que huit minutes à chaque fois pour identifier l’auteur d’un attentat dans un train pour Chicago.
Le film donne de jolies collisions, entre Hitchcock pour le suspense un peu suranné, Un jour sans fin pour l’effet de répétition et surtout Code Quantum, belle série TV nineties où un savant était projeté dans la peau de différents personnages du passé au fil des épisodes.
Mais le plus beau frisson convoyé par Jones est bien celui qui fait se rencontrer sa passion de gamer (il a travaillé dans les jeux vidéo) et son background d’étudiant en philosophie.
En quelques scènes, son héros est autant saisi par les questions existentielles (d’identité, d’éternel retour) que par celles du joueur propulsé dans un jeu dont il découvre les règles – avec en guise de tutoriel la toujours ambiguë et délicieuse Vera Farmiga –, l’espace et bien sûr, la frustration de recommencer le niveau à chaque échec.
Dans les deux cas, le cerveau cogite beaucoup. Dix ans après Donnie Darko, un Gyllenhaal très investi a toujours l’air d’un ado effaré par ses trips temporels.
La grande qualité de Source Code est, sous ses airs de thriller efficace, d’exploiter son pitch au maximum pour produire des effets saisissants. Le film expédie en effet sa résolution (trouver la bombe) pour se prolonger dans son dernier quart en mélodrame cosmique et intime, façon La Jetée de Chris Marker : le héros s’accroche à l’image d’une femme rencontrée dans le train (Michelle Monaghan, superbement triviale et lointaine, très justement “la femme de ses et (de nos) rêves”, pour reprendre le titre du film des frères Farrelly qu’elle illuminait) et voudrait la sauver encore et encore.
Un fantasme morbide que le film suspend avec beauté à chaque retour en arrière, avec ses explosions au ralenti et ses coups de téléphone d’outre-tombe. C’est aussi le fantasme du joueur sauvant ses mondes (et ses parties) de jeu vidéo de son salon ou de sa chambre.
Le film-cerveau à la Inception, d’essence démiurgique, se fait du coup plus humain, moins antipathique. Et grâce à la science-fiction et à ses paradoxes narratifs, le tract sur l’héroïsme qu’on croyait lire dans Source Code se mue en Johnny s’en va-t-en guerre (film antimilitariste de 1971 réalisé par Dalton Trumbo, sur un soldat mutilé, conscient mais incapable de communiquer) 2.0, moins appuyé, où le protagoniste qui croyait échapper à son Call of Duty s’y vautre en dépit de tout. En langage de gamer, Source Code serait un cheat élégant : une belle façon de tricher.
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