Produit par Michael Bay et tourné dans les rues désertes de Los Angeles pendant l’été 2020, ce premier film labellisé “Covid” évite de mettre en scène le seul réel affect qui a marqué notre confinement, l’ennui, au profit d’une esthétique cheap et épileptique. Un film spécial confinement, disponible depuis chez soi en VOD.
Si on a tous réfléchi à la manière dont le cinéma allait s’emparer de la crise sanitaire mondiale, on ne s’attendait pas forcément à voir débarquer aussi vite le premier film labellisé “Covid”. C’est chose faite, grâce à Songbird, disponible sur les plateformes VOD, qui nous transporte dans un futur proche : les Etats-Unis entrent dans leur 213e semaine de confinement et le virus a muté en Covid-23.
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Produit par le très lourdaud Michael Bay, réalisé par un certain Adam Mason, le film a été tourné dans les rues désertes de Los Angeles. Et c’est avec un regard aiguisé, habitué à vérifier si les distanciations sociales sont respectées, qu’on observe cette improbable dystopie conçue à toute vitesse (écrite en mai, tournée en été), avec l’élan et la fébrilité qu’inspire toujours l’opportunisme.
https://youtu.be/jEQX2LBG1XQ
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Un film fait de récits croisés larmoyants
Les seuls à pouvoir se déplacer dans la ville sont les “immunisés” qui bénéficient du précieux laissez-passer que tout le monde s’arrache : c’est le cas de Nico, un coursier fou amoureux de Sara, une cliente recluse avec sa mère et dont il organise l’évasion – une sorte de Roméo et Juliette séparés par le virus. Il y a aussi “Dozer” (joué par Paul Walter Hauser, l’acteur inoubliable du Cas de Richard Jewell), vétéran d’Afghanistan cloué sur une chaise roulante et qui se réchauffe à la lueur du compte Instagram de May, une chanteuse qui se retrouve à L.A. après avoir suivi un producteur qui lui promettait monts et merveilles. Piégée dans son appartement, la jeune femme pousse la chansonnette devant sa webcam quand elle n’est pas forcée de faire la call-girl pour ce prédateur.
On pleurera aussi sur le sort de Piper (Demi Moore), qui a donné naissance à un “enfant Covid”, né avec une maladie auto-immune. Dans ce Los Angeles légèrement futuriste, la population fait l’objet d’une surveillance accrue, et le moindre cas détecté rameute une équipe du département sanitaire de L.A. dirigé par le très zélé Emmet Harland (Peter Stormare) : les personnes infectées sont évacuées de force et transportées en quarantaine dans un camp d’où l’on ne revient jamais.
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Une fiction mièvre et complaisante
Dans cette bouillie chorale, chacun devrait pouvoir se projeter dans l’un de ces destins fracassés, dans l’une de ces vies suspendues par la catastrophe sanitaire, laquelle est légèrement amplifiée pour qu’elle devienne un peu plus cauchemardesque, un peu plus orwellienne que la réalité. Mais le but ultime de Songbird est moins de susciter la peur devant cette dystopie si proche de nous que de vouloir entrer en connivence avec son spectateur. Conçu dans la précipitation, balancé à la hâte sur les plateformes VOD comme de la pâté pour confinés, Songbird cherche à provoquer ce plaisir pauvre, cette flatterie cheap, qui consiste, dans une fiction, à entendre parler de confinement, de couvre-feu et de masques, à voir des rues désertes en se disant que, alala, ce n’est pas de la fiction.
Et la précipitation, elle se sent, dans cette soupe numérique qui brasse tous les régimes d’images possibles : des plans aux drones, des vidéos Youtube et des SMS incrustés sur l’écran, le tout monté comme une bande-annonce épileptique et bâclée de notre année 2020. Au milieu de cette matière qui semble régurgitée de nos cerveaux, le film tente comme il peut de créer de la dramaturgie, des pics d’intensité d’une mièvrerie nanardeuse : une histoire d’amour, d’emprise, un thriller, des méchants – oubliant de creuser l’affect structurant de notre année, le seul effet de réalisme qu’on exigerait d’une récit-covid : l’ennui, total.
Songbird est à ce titre, par sa laideur et sa bêtise presque émouvante, moins le premier film Covid que la première série Z sur le sujet et pourra servir de parfait exemple de tout ce qu’il ne faut pas faire quand on tente d’élaborer une fiction sur l’année 2020. A mettre à ce point les pieds dans le plat, Songbird pose finalement une question : dans cette overdose de réel et de gel hydroalcoolique, quel genre de récit sur le Covid sommes-nous prêts à tolérer ? Quel cinéaste parviendra, non pas à répéter bêtement ce que nous vivons, mais à le rêver ? Eléments de réponse avec le prochain Dany Boon, sur un immeuble confiné…
Songbird est disponible en VOD sur Amazon Prime, Youtube, Orange, Cinema(s) à la demande et Google Play.
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