Situé dans le milieu du rock au Texas, un film hors-sol et pseudo-philosophique. Mieux vaut revoir Badlands.
Est-ce qu’on s’est tous complètement plantés au sujet de Terrence Malick ? A défaut de réponse certaine et définitive, la question mérite au moins d’être posée après le visionnage de cet ahurissant Song to Song, faisant suite aux tout aussi étonnants (dans le mauvais sens) A la merveille ou Voyage of Time.
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En ce qui me concerne, il ne faut pas beaucoup me pousser pour écrire que le seul vrai grand film de Malick est le tout premier, Badlands (La Balade sauvage, 1973). L’étrange hiatus de vingt ans séparant Les Moissons du ciel de La Ligne rouge a contribué à créer un mythe Malick, absence et silence suscitant le mystère. Depuis, le cinéaste enchaîne les films à forte cadence et on se dit souvent qu’il aurait mieux fait de ne pas.
Une esthétique de l’apesanteur totalement hors-sol
Malick est incontestablement un auteur singulier, un cinéaste américain qui échappe à tous les codes, habitus et formatages du cinéma de son pays et c’est infiniment respectable, le problème n’étant pas ce qu’il ne fait pas mais ce qu’il fait, à savoir cette esthétique de l’apesanteur et de l’intériorité qui est ici tellement hors-sol, tellement perchée qu’elle ne saisit quasiment plus rien de tangible de l’expérience humaine et de nos existences terrestres.
Situé dans le milieu rock d’Austin, Texas, Song to Song fait se croiser deux couples de musiciens, producteurs et wannabe qui se posent un tas de questions existentielles du style Qui suis-je ? M’aime-t-il ? Suis-je talentueuse ?… Et où ai-je rangé les clés ? a-t-on envie d’ajouter façon Woody Allen.
Les personnages évoluent dans des villas de hipsters milliardaires
Cet évanescent ballet romantico-philosophique se déroule dans des décors d’un luxe morbide frisant l’obscénité en nos temps de crise généralisée (mais dans un plan furtif, une main de rocker glisse un billet dans celle d’un mendiant, la bonne conscience est sauve), les personnages évoluant dans des villas de hipsters milliardaires nickel dépourvues de toute trace de vie. Est-ce un film, une pub pour Côté Sud ou bien le clip d’une agence immobilière haut de gamme ?
De temps en temps, on croise les vrais Patti Smith, Iggy Pop ou John Lydon dans des caméos éclairs aussi rapides que les extraits de chansons : quelques secondes à peine, les rocks s’évanouissant de la bande-son à peine l’intro dégainée, ce qui donne un sens inusité au titre Song to Song.
Ça dure deux heures, pourrait en durer trois, ou une, on ne voit pas bien la différence tant ce film a des allures de long interlude chic. Le casting est énormissime, aussi luxueux que les décors, mais une fois de plus, les stars ne sont pas à leur avantage dans l’univers flottant et désincarné de Malick. La vraie vedette ici, c’est Emmanuel Lubezki, le chef-op. Ainsi, Song to Song est un parfait objet de démonstration pour vendeur de home-cinéma high-tech. Pour notre part, on reverra Badlands avec nostalgie.
Song to Song de Terrence Malick (E.-U., 2017, 2 h 08)
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