La cinéaste franco-islandaise s’est éteinte dans la nuit de vendredi à samedi des suites d’une récidive de cancer. Elle avait 54 ans.
Révélée par son film Haut les coeurs ! qui racontait justement, de manière semi-autobiographique, le combat ordinaire et inlassable d’une femme atteinte d’un cancer du sein, Sólveig Anspach laisse derrière elle une filmographie éclectique, mêlant fictions et documentaires, et distillant en même temps qu’un regard singulier sur le monde (Made in the USA, Bistrik, Sarajevo) une appétence pour un humour noir et décalé (Haut les coeurs !, Back Soon).
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Diplômée de la FEMIS en 1989, elle entame sa carrière en réalisant plusieurs documentaires inspirés. Fascinée par son Islande natale, elle signe en 1990 Vestmannaeyar, documentaire sur la petite île qui l’a vu naître avant d’être ravagée par une éruption volcanique. Dans Reykjavík, des elfes dans la ville, elle donne à voir le quotidien de jeunes islandais partageant joies et peines dans cette capitale aux allures de bout du monde, au plus près de la calotte polaire. Avec Que personne ne bouge, elle s’intéresse à l’affaire du « gang des amazones », cinq mères de famille du Vaucluse, à la fin des années 80, reconverties en braqueuses de banque pour faire face à d’importantes difficultés financières. En plus de tirer le portrait décalé et jubilatoire de ces cinq mamans braqueuses tout droit sorties d’une comédie de Woody Allen, Anspash livre un documentaire à forte teneur sociale, témoin de la sombre réalité que traversent les français les plus démunis.
Un film aux contours auto-fictionnels
Mais le coup d’éclat viendra l’année suivante avec Haut les coeurs !, première fiction de la cinéaste. Après avoir découvert qu’elle était atteinte d’un cancer du sein, Sólveig Anspach livre un film aux contours auto-fictionnels, qui raconte le combat d’une femme (Karin Viard) face à la maladie. Son humour mordant arrache au film sa potentielle pesanteur et permet de conférer à une intrigue censément noire et préoccupée de beaux moments d’évanescence. La réalisatrice se confiait aux Inrocks à l’occasion de la sortie du film, en 1999 :
“Je voulais raconter la dureté de cette expérience, mais il ne fallait pas que ce soit dur au point qu’il n’y ait aucun plaisir dans le film, que ce soit si insupportable aux gens qu’ils auraient quitté la salle au bout de cinq minutes. Il y a d’ailleurs eu un moment dans l’écriture où je suis plus partie vers la comédie : moins de scènes d’hosto, comme si je n’osais pas vraiment affronter cette histoire. J’avais peur qu’il y ait une confusion, que les gens se disent “Oh là là, la pauvre, elle a traversé tout ça .En amenant cet espace d’humour, Simon (Laurent Lucas dans le film, ndlr) évite l’apitoiement. Moi, je trouve qu’on peut rire de tout, c’est même une arme formidable. Cet humour était indispensable, sinon c’était foutu.
Après Haut les coeurs !, Sólveig Anspach oscille entre fictions et documentaires livrant des oeuvres tantôt fascinantes (Made in the USA, en 2001, témoignage saisissant sur la peine de mort aux Etats-Unis) tantôt moins percutantes (Lulu, femme nue, long-métrage sur la mid-life crisis d’une femme en fugue). Avant que la récidive de son cancer, qu’elle avait si justement mis en scène, ne l’emporte, elle travaillait sur le montage de L’Effet aquatique, ultime pièce d’un triptyque déjà constituée de Back Soon (2007) et Queen of Montreuil (2011) dans lequel on retrouvera l’incandescente Didda Jonsdotti, actrice islandaise qu’elle avait révélée. Le film sortira de manière posthume en 2016, et clôturera une filmographie aussi riche que variée.
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