Gregg Araki révèle un vrai phénomène comique, Anna Faris, et renoue avec sa veine trash en revisitant le film de dope.
John Waters et les frères Farrelly ne sont plus ce qu’ils étaient. Ils ont vieilli et mis un bémol à leur provoc. On ne voit plus que Gregg Araki comme ultime représentant de la comédie trash américaine. Certes, le cinéaste avait acquis une certaine respectabilité avec Mysterious Skin, mais il risque de la reperdre illico avec cette pothead comedy (film de beu), dont les dérapages non contrôlés risquent de rebuter une partie du public distingué qui avait déjà snobé ses traités de décomposition sur la jeunesse californienne comme The Doom Generation ou Nowhere.
Tout compte fait, Mysterious Skin, regard mélancolique sur le mal-être adolescent, était une parenthèse apollinienne dans une filmographie dionysiaque. “J’étais sérieux à mourir, écrasé par la gravité du sujet”, explique Araki, avant d’ajouter : “J’avais vraiment besoin de changer d’air avant mon film suivant. Smiley Face était la récréation idéale.”
C’est précisément la raison de l’énergie folle de cette comédie déjantée. On a le sentiment d’un lâcher prise, d’un pur défoulement. Smiley Face est une explosion pop. Loin d’être un simple exercice rétro, ce stoner movie, qui renoue avec un sous-genre né dans les années 1970, est non seulement un film oxymore, un After Hours solaire et californien, véhiculant toute la parano liée à l’addiction ; non seulement une comédie kafkaïenne dont le suspense repose sur un implacable engrenage – la course contre la montre de Jane, comédienne aspirante, à travers L.A. pour rembourser son dealer menaçant, pour remplacer les space-cakes de son coloc, etc. C’est en plus une œuvre expérimentale, où les visions subjectives de l’héroïne complètement stone sont génialement intégrées au flux rythmé du récit… Ici, l’enjeu – le plaisir constant – est de voir alternativement la réalité objective et ce que perçoit l’héroïne. Par exemple lorsqu’elle tente de sortir son auto d’un garage et voit les piliers se déformer… Evidemment, la drôlerie provient en grande partie du jeu formidablement inspiré d’Anna Faris, qui renouvelle complètement le personnage traditionnel de la dumb blonde. La comédie US, qui manque cruellement d’héroïnes féminines, a trouvé en sa personne un nouveau corps comique, une véritable clownesse ; on ne se lasse pas de ses mimiques faciales.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Enfin, il ne faut pas oublier la dimension proprement subversive. Outre le fait de réaliser une comédie sur le shit à l’heure où la prohibition du tabac semble imminente, la dimension politique du film n’est pas négligeable. Il y a d’une part le côté contre-culturel, le désir de tourner en dérision les institutions, mais aussi un jeu assez iconoclaste avec les traditions militantes. Voir la scène d’anthologie où Jane imagine qu’elle est en train de faire un discours béton aux employés d’une usine de viande pour les pousser à se syndiquer. Séquence liée au gymkhana destroy autour de l’édition originale du Manifeste du Parti Communiste, formidable McGuffin, dont la teneur et le symbole contrastent de façon criante avec l’esprit trash du film. Encore une forme d’irrévérence à porter au crédit de ce cinéaste dont le désespoir existentiel s’exprime toujours par la dérision. Comme diraient les Dead Kennedys : “California über alles !”
{"type":"Banniere-Basse"}