Exténuant de mauvaise foi, Michael Moore reste un pamphlétaire assez drôle.
Après la vente libre d’armes, après la politique de George W. Bush, après le 11 Septembre, Michael Moore, le récipiendaire de la Palme d’or en 2004 pour Fahrenheit 9/11, s’attaque au système de soins américain, ou plutôt à l’absence de système de santé publique de ce beau pays qui, craintif par nature de tout ce qui se rapproche un tant soit peu du mot “social” (socialisme…), a préféré confier le remboursement des dépenses de santé de ses citoyens à des sociétés privées (les assureurs).
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Evidemment, Michael Moore, en dénonçant les abus criants du système (notamment des décès provoqués par des refus de prise en charge des malades), enfonce des portes ouvertes – une société d’assurance étant tenue de rapporter de l’argent, on serait surpris qu’elle ne soit pas pingre. Evidemment, il en fait beaucoup, beaucoup trop : sa visite à Guantanamo – parce que l’infirmerie du centre de détention des supposés membres d’Al-Qaeda est décrite par les autorités américaines comme un hôpital de pointe, gratuit de surcroît – est du plus mauvais goût. Evidemment, il ne manque pas d’air et se révèle d’une extrême mauvaise foi (décrire par exemple les systèmes de soins britannique et français comme parfaits, alors que nous savons parfaitement qu’ils se dégradent de jour en jour, est quand même scandaleux). Evidemment, son côté bon gros naïf américain autocentré agace (lorsqu’il nous chante le vieux couplet sur le paradis perdu de l’époque des pionniers solidaires, ou encore lorsqu’il réduit des “petits” pays comme le Salvador ou la Slovénie à des clichés d’une autre époque). Evidemment, il est insupportable de voir que la seule mention de son nom (Michael Moore en super Julien Courbet) puisse faire frémir et reculer les entreprises les plus puissantes de notre planète néolibérale – quoi que l’on puisse bien entendu penser de leurs agissements.
Bref, comme tous les films de cet agitateur aux méthodes dignes d’un télé-évangéliste, Sicko n’est pas un documentaire, mais une fois de plus un pamphlet, un film militant qui prend ses arguments où bon lui semble, sans souci d’objectivité, qui bidonne à mort, sans même s’en cacher (ce qui, à l’image, est particulièrement évident dans les scènes tournées à Cuba).
Une fois de plus, Michael Moore se moque bien de la vérité. Mais il y a au moins trois choses qu’on ne pourra pas lui reprocher : il a de bonnes idées (le moment où il fait suivre tous les représentants républicains par une petite incrustation numérique qui précise la somme d’argent qu’ils perçoivent des assureurs et laboratoires américains pour leur campagne électorale est absolument violent) ; il est souvent drôle – “Je vais arrêter de boycotter les frites (“french fries”)”, s’exclame-t-il, bedonnant, après avoir découvert l’existence de nos 35 heures – ; et surtout, il a ceci de commun avec les criminels et les artistes (que Stanley Kubrick mettait ainsi dans le même sac) qu’il ne supporte pas que le monde soit tel qu’il est.
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