L’amour est un chien de l’enfer. La relation tumultueuse entre un exalté de l’amour et une bourgeoise raisonnable. Un film âpre et tendu. Le titre est programmatique : Jeanne Labrune filme un huis clos amoureux d’où sourd dès la première scène ferroviaire une menace palpable de violence. Samuel (Duval, boule de nerfs et d’énergie inquiète) […]
L’amour est un chien de l’enfer. La relation tumultueuse entre un exalté de l’amour et une bourgeoise raisonnable. Un film âpre et tendu.
Le titre est programmatique : Jeanne Labrune filme un huis clos amoureux d’où sourd dès la première scène ferroviaire une menace palpable de violence. Samuel (Duval, boule de nerfs et d’énergie inquiète) remarque Muriel (Baye, assez impressionnante hors quelques tics çà et là), allongée sur une banquette du train, n’offrant que son dos aux voyageurs. « Une position de tueuse », pense Samuel, pressentant le danger, mais plongeant pourtant droit dedans. Ils deviennent vite amants. Elle le laisse pénétrer dans son appartement bourgeois de romancière et scénariste à la mode. Se prête avec entrain à ses assauts sexuels que Jeanne Labrune filme avec une crudité qui n’exclut pas le mystère. Très vite, Samuel se montre excessif, envahissant, inquiétant. Muriel ne se démonte pas : elle maîtrise même chacune de ses crises avec un calme hors du commun. Si l’amour absolu et irrationnel de cet homme lui plaît, elle ne se laisse pas pour autant déborder. Le spectateur est un peu plus malmené. Comme dans un voyage sur une mer déchaînée, à chaque vague déstabilisante succède une courte accalmie qui ne suffit pas à rassurer sur l’issue de la traversée.
On pense au cinéma à cru de Catherine Breillat, dont les femmes sont aussi très fortes jusqu’à paraître imperméables aux affects masculins. Breillat est d’ailleurs coscénariste, mais à la différence de Parfait amour ! par exemple, le film ne se termine pas en fait divers : au moment limite, Muriel sollicitera la police pour se sauver autant que pour sauver Samuel. C’est le versant lutte des classes du film. Samuel est un marchand de tapis, mais surtout un flambeur loser pour qui l’argent est du vent. Face à ce sentimental exalté, Muriel a les pieds sur terre et se donne les moyens d’une vie confortable. Il croyait la posséder, il se fait finalement posséder par son propre système. Le film devient une superposition de rapports de force : homme et femme, passion et amour raisonné, improvisation funambule et stabilité bourgeoise… A chaque fois, Labrune fouille les limites, teste la zone de friction, le point de déséquilibre. Elle filme aussi avec beaucoup de justesse le Paris contemporain du quotidien. Les scènes d’intimité s’étirent parfois un peu longtemps, surtout dans la seconde partie… Mais la réussite de ce quatrième film de Jeanne Labrune (dont on avait déjà beaucoup aimé Sans un cri) réside dans sa capacité à prendre à bras le corps tous les clichés sur la relation amoureuse d’une bourgeoise de 40 ans et d’un bellâtre viril, de les explorer de fond en comble, jusqu’à les épuiser, voire dans les meilleurs moments, les transcender. Résultat : un film âpre et tendu, parfois même drôle, qui tient debout grâce à l’engagement impressionnant de ses deux interprètes.
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