Encore un jeune cinéaste chinois qui aime l’eau, mais version domestique : celle d’un établissement de bains publics sur lequel il jette un regard drôle et nostalgique. Tiens, encore un cinéaste chinois inconnu. Mais pas tout à fait dans le style de ceux que nous avons découverts ces derniers temps. Déjà auteur de Spicy love […]
Encore un jeune cinéaste chinois qui aime l’eau, mais version domestique : celle d’un établissement de bains publics sur lequel il jette un regard drôle et nostalgique.
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Tiens, encore un cinéaste chinois inconnu. Mais pas tout à fait dans le style de ceux que nous avons découverts ces derniers temps. Déjà auteur de Spicy love soup (1998), « le film apolitique le plus vu des deux dernières années en Chine » (inédit en France), Zhang Yang ne fréquente guère les rivages escarpés de la marginalité urbaine prisée par ses collègues et compatriotes puristes. A côté d’eux, Zhang fait presque figure de cinéaste de qualité.
Mais c’est tout relatif. Disons qu’en louvoyant entre humour et sentimentalité, et en tournant essentiellement en studio (ou du moins en intérieur), le cinéaste se calfeutre dans un cocon confortablement isolé de la crudité du réel. Pourtant, Shower n’est pas une œuvre académique. Cet aquafilm, film de genre à sa manière, est plus une chronique qu’une histoire à intrigue et ressorts théâtraux. La chronique des derniers jours, mois, années (?) d’un établissement de bains publics de Pékin géré par un vieil homme, Maître Liu, et son rejeton un peu rain man, Er Ming. L’irruption du deuxième fils, Da Ming, homme d’affaires pressé qui vit dans une grande ville moderne (certainement Shanghaï), annonce la fin de ce monde plongé dans son train-train moite et ses rituels humides. Et c’est justement cette mise en perspective avec ce personnage pragmatique et moderne, allergique à ce club de pépés gâteux et routiniers, mais perdant peu à peu de sa superbe par amour filial, qui permet à ce film de transition d’échapper à la nostalgie pure et simple. Aucune note mélodramatique dans cette œuvre pourtant sentimentale. Le rouleau compresseur de la modernité froide et absurde comme en témoigne la scène d’ouverture futuriste sur une machine à laver les hommes lamine les vieux et leurs habitudes, mais on n’en fait pas un drame lyrique. Cette fin des traditions ancestrales, par-delà le communisme, complètement éludé ici, est d’ailleurs figurée par un fulgurant raccourci spatio-temporel, qui est aussi une mise en abyme du cinéma « de la cinquième génération » dans un film de la sixième. Maître Liu, installé dans un bain, raconte à un de ses interlocuteurs comment dans la campagne dont il est issu l’eau était une denrée rare et précieuse. Et on est soudain propulsé dans la Chine paysanne et archaïque dans toute sa splendeur : c’est comme si on avait zappé par erreur sur une bobine d’un film de Chen Kaige ou un des premiers Zhang Yimou. Une fois l’épisode relaté, on revient à la banalité rassurante du lieu hygiénique. Ce saisissant collage postmoderne est un des nombreux atouts de ce film pas aussi gentil et évident qu’il en a l’air.
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