À l’occasion de la sortie d’“En eaux très troubles” le 2 août 2023, on a eu envie de revenir sur les meilleurs requins de l’histoire du cinéma.
7 – Les Dents de la neige, Les Dents de la plage, Sharknado et Sky Sharks… Les films de la sharksploitation
“You’re gonna need a bigger boat.” Cette phrase séminale entendue dans le meilleur film de requin de l’histoire du cinéma (préservons un semblant de suspense à ce classement) a défini la logique qui allait guider tous les films d’horreur qui suivront par la suite. Pour recycler la formule du succès initial, chaque film devra aller plus loin que le précédent, pour proposer des monstres toujours plus monstrueux.
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Dans les années 2000, la surenchère est telle qu’elle confine au ridicule avec les films de sharksploitation – soit des films volontairement mauvais, qui font fi de toute vraisemblance pour pousser le curseur toujours plus loin. Les films Shark Attack ou Mega Shark feront ressurgir des monstres préhistoriques géants, capables d’avaler des bateaux entiers en une seule bouchée, tandis que dans Sharktopus, ce sera un monstre hybride, entre le requin et le poulpe géant, qui terrorisera les plages (nous offrant au passage cette tagline savoureuse : “50% shark, 50% octopus, 100% deadly”).
Seul problème, le danger reste encore trop circonscrit à un espace limité : le bord de mer. Mais l’imagination des scénaristes contournera rapidement le problème. Si dans L’Attaque des requins tueurs, les monstres voraces s’en prennent aux gondoles de Venise, ils n’auront bientôt même plus besoin d’eau… Dans Sand Sharks : Les Dents de la plage et dans Avalanche Sharks : Les Dents de la neige, des requins préhistoriques (avec les séries Z, la préhistoire a bon dos…) se déplacent dans le sable et dans la neige. Dans le fameux Sharknado, ils envahissent même les airs, puisqu’une tornade de requins ravage les États-Unis. Au panthéon de la sharksploitation, notons enfin Sky Sharks, qui réussit à allier le film de requin à la nazisploitation et au film de zombie, en mettant en scène des requins-zombies-nazis volants.
6 – L’Année du requin des frères Boukherma (2022)
Entre les shark movies nanardesques et les authentiques films d’horreur, le cœur des frères Boukherma semble balancer. Un an après Teddy, les deux réalisateurs proposent une nouvelle satire sociale, où la parodie du film de requin croise plusieurs scènes de suspense voire d’angoisse, préservant ainsi une place au premier degré dans ce pastiche des Dents de la mer. Si ces deux logiques paradoxales se parasitent l’une et l’autre et donnent lieu à un film bancal, le résultat n’est pas dénué de charme.
5 – Open Water – En eaux profondes de Chris Kentis (2003)
Alors que la formule commence à s’épuiser dès les années 1990, Open Water relancera durablement la mode du film de requin dans les années 2000. Ce film d’horreur fauché, dont le budget s’élève à 130 000 dollars, repose sur un scénario d’une très grande simplicité : deux plongeurs perdus au milieu de nulle part doivent faire face à un requin. Un peu comme Le Projet Blair Witch avant lui, le budget minime du film conduit le cinéaste à puiser dans toute la puissance d’évocation de la mise en scène pour provoquer une terreur quasi-abstraite. Nul besoin de méga-requin nazi, ces cinéastes de série B semblent s’être rappelés des leçons de Jacques Tourneur dans La Féline ou du cinéaste des Ensorcelés de Minnelli, selon lesquels la suggestion vaut souvent bien mieux que la monstration.
4 – La saga James Bond : Opération Tonnerre de Terence Young (1965) et L’Espion qui m’aimait de Lewis Gilbert (1977)
Si le requin s’est imposé comme l’un des monstres emblématiques de l’histoire du cinéma, il le doit en grande partie à la saga James Bond. Que ce soit Sean Connery dans Opération Tonnerre ou Roger Moore dans Vivre ou laisser mourir, l’espion le plus fameux du septième art a souvent été confronté à des requins. Le carnassier donnera même son nom à Requin, un colosse à la mâchoire d’acier qui cherchera à régler son compte à James Bond dans L’Espion qui m’aimait et Moonraker. Enfin, on se souvient d’une scène mémorable de L’Espion qui m’aimait, où Karl Stromberg jette l’une de ses victimes dans un aquarium à requins. L’antagoniste regarde alors la jeune femme se faire dévorer dans l’eau sur un écran de télévision – mettant ainsi en abyme la pulsion scopique et sadique des spectateur·rices fasciné·es par ce spectacle macabre.
3 – Le Monde de Nemo d’Andrew Stanton et Lee Unkrich (2003)
Le studio Pixar s’est fait le spécialiste d’un cinéma d’animation destiné aussi bien au jeune public qu’aux adultes. Alors, lorsque Marin et Dory croisent un trio de requins dans leur course pour retrouver Nemo, Andrew Stanton et Lee Unkrich ne manquent pas de convoquer tout l’héritage cinématographique de l’animal marin et de multiplier les références. Mais plus encore, le studio d’animation a la bonne idée de créer un savoureux décalage… Ces trois requins ne se réduisent pas à de simples créatures sanguinaires, mais se révèlent même attachants lorsque l’on comprend qu’ils font partie des Mangeurs de poissons anonymes – une parodie des alcooliques anonymes. En effet, Bruce, Chumy et L’Enclume se sont promis de ne plus jamais manger de poissons… mais malheureusement quelques gouttes de sang de Dory suffiront à réveiller leurs instincts primaires.
2 – La Vie aquatique de Wes Anderson (2004)
Si les requins précédemment cités s’apparentent tous à des créatures effrayantes (même Bruce finit par vouloir dévorer Marin et Dory…), ce requin est sans conteste le plus poétique et le plus émouvant du classement. Dans La Vie aquatique, l’équipe océanographique menée par Steve Zissou (Bill Murray) prend en chasse un mystérieux requin-jaguar, qui a déjà causé la mort de l’un de leurs coéquipiers. Ce voyage entraînera alors une famille recomposée, où les liens défaits entre les individus se renoueront peu à peu. À la fois prétexte et horizon de cette folle odyssée, l’animal mythique porte avec lui de nombreux enjeux du récit – mais comme pour toute bonne allégorie, il se déjoue de toute interprétation univoque et fermée. Son apparition finale constitue alors l’une des plus belles scènes du film – et sans doute du cinéma de Wes Anderson – en forme d’hommage à la poésie artisanale du cinéma.
1 – Les Dents de la mer de Steven Spielberg
Sans grande surprise, c’est le film de Steven Spielberg que l’on retrouve tout en haut de ce classement. S’il a défini le canon du film de requin, et a été maintes fois copié et parodié pour le pire et le meilleur, il constitue surtout un modèle de précision de mise en scène. À partir d’une idée simple – le ou la nageur·euse ne voit pas ce qu’il y a sous la surface –, Spielberg construit un édifice formel impressionnant basé sur la puissance du hors-champ. Comme peu d’autres films, il aura réussi à devenir une référence universelle dans le monde entier et à faire du requin l’un des animaux les plus effrayants.
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