Zemeckis change son fusil d’épaule en cachant ses habituels trucages numériques (il y en a mais ils sont indécelables) sous le tapis du réalisme et de la durée. Enchâssée entre un prologue hollywoodien lambda et un épilogue sobre et digne, la robinsonade centrale ? Chuck (Tom Hanks) s’acharne à survivre seul sur une île déserte […]
Zemeckis change son fusil d’épaule en cachant ses habituels trucages numériques (il y en a mais ils sont indécelables) sous le tapis du réalisme et de la durée. Enchâssée entre un prologue hollywoodien lambda et un épilogue sobre et digne, la robinsonade centrale ? Chuck (Tom Hanks) s’acharne à survivre seul sur une île déserte ? est un impressionnant exercice de réappropriation du corps et de la matière, avec de vrais blocs de durée. On n’ira certes pas parler d’ontologie straubienne, ni de métaphysique chrétienne ou de réflexion sur nature & pouvoir, thèmes émaillant le superbe Robinson Crusoé de Buñuel. Mais tout de même, cette partie principale du film s’avère fort plaisante. Aucune action parallèle, ni d’autre personnage que le naufragé durant une bonne heure et demie. Pour une fois dans un film américain, l’aspect strictement factuel de l’existence ? se nourrir, s’abriter, dormir ? n’est pas une donnée implicite. Pour ouvrir une noix de coco, c’est tout un cirque. Idem pour faire du feu : Chuck ne frotte pas succinctement deux silex, mais s’épuise à racler un bâton contre un bout de bois. Et ça dure. Bien sûr, cela reste synthétique, et l’apprentissage du personnage, malgré des échecs cuisants, progresse de façon trop optimale. Mais au moins, Zemeckis s’est posé des questions concrètes sur le filmage d’un être humain dénué de toute béquille sociale. Seul au monde, c’est le plaisir du hors-genre. Rien de codé, si ce n’est la quasi-certitude que le héros survivra. De plus, on met un bémol à la sauce hollywoodienne : quasiment pas de musique durant l’épisode insulaire. Un monologue, in, plausible, celui du naufragé qui parle tout haut. La plus belle idée, reste celle de l’objet transitionnel primitif, le substitut de Vendredi que s’invente Chuck : avec son sang, il dessine un visage sur un ballon de volley trouvé dans les débris de son avion. Le beach-boy malgré lui le nommera Wilson, non pas en hommage à Brian, mais parce que c’est la marque du ballon. L’attachement infantile de cet homme sans dieu à un fétiche industriel rend le film infiniment touchant.
Certes, il y a le début, contraste un peu facile avec ce qui va suivre, où Hanks, cadre chez FedEx, est obsédé par le temps et la vitesse. Mais lors du retour à la civilisation, où Chuck découvre que sa fiancée a épousé un autre homme, pas de mélo ni de happy-end. Après avoir livré un paquet FedEx qu’il a préservé pendant quatre ans (parodie de pub ?), le héros reste planté au croisement d’une route, en rase campagne. Fin. Zemeckis frise le zen.
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