Niels Schneider prouve une nouvelle fois son grand talent dans ce premier film signé Mathieu Gérault.
Laboratoire du regard et de la forme, il est rare de dire qu’un premier film tient à sa parfaite unité, à une forme d’évidence, aussi bien thématique que rythmique. C’est le cas de Sentinelle sud de Mathieu Gérault, rencontre imparable entre un sujet (la réinsertion des soldats français) et un genre (le polar). Alors que depuis plusieurs décennies les témoignages du cinéma américain prolifèrent sur le sujet, le sort des soldats français de retour du combat puis repropulsés dans le civil est un angle mort du cinéma français (on ne pourrait citer que Voir du pays des sœurs Coulin comme récent étude sur le sujet).
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De retour d’Afghanistan après une embuscade meurtrière, le soldat Christian Lafayette (Niels Schneider) tente de reprendre le chemin d’une vie normale, entenaillé entre les petits trafics de son frère d’adoption Mounir (Sofian Khammes) et les traumatismes du champ de bataille qui ressurgissent. Alors que sa rencontre avec une infirmière (India Hair) lui offre les contours d’un avenir plus radieux, une mystérieuse affaire de trafic d’opium potentiellement commandité par son commandant (Denis Lavant) pendant le conflit refait surface.
Un film solide
Réveillant le classicisme implacable des polars des années 1970 de Sydney Lumet, Sentinelle sud est un thriller aussi tranchant qu’une étude complexe sur les âmes torturées des soldats de retour en France. C’est la grande force du film, réussir à mêler les deux tableaux avec la même rigueur, sans jamais qu’aucun des deux n’affaiblisse l’autre. Certes de manière moins stylisée et vaporeuse, Mathieu Gérault regarde également du côté du cinéma de James Gray dans la manière de filmer les liens du sang et l’extrême fragilité de ces personnages masculins. À l’image d’une scène de rencard maladroit où Niels Schneider réveille le lointain souvenir de l’amoureux égaré Joaquin Phoenix dans Two Lovers.
Passionnant à chaque seconde du film, Niels Schneider semble chargé d’un lourd mais poignant héritage depuis la disparition tragique de Gaspard Ulliel : celui de demeurer le seul acteur de sa génération capable d’une telle versatilité, de mêler dans un geste simultané la résistance à une extrême vulnérabilité. Bel éphèbe jadis chez Dolan et Gonzalez (Les Amours imaginaires, Les Rencontres d’après minuit), amoureux suspendu chez Mouret (Les Choses qu’on dit, les Choses qu’on fait) et parallèlement petite frappe chez Harari (Diamant noir), l’acteur sait absolument tout faire et Sentinelle sud démontre encore un peu plus l’immense chance qu’a le cinéma français de pouvoir l’observer se mouvoir sur ses écrans.
Sentinelle sud, dans les salles le 27 avril.
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