“Laissez-vous déranger”, conseille le slogan du film. Pour une fois, c’est assez bien vu. Il faut en effet être prêt à accepter beaucoup, dans le fond comme dans la forme, pour apprécier Select Hotel. Ça commence par des témoignages face caméra façon documentaire pour se poursuivre par de la fiction plus classique. La distribution mêle […]
« Laissez-vous déranger », conseille le slogan du film. Pour une fois, c’est assez bien vu. Il faut en effet être prêt à accepter beaucoup, dans le fond comme dans la forme, pour apprécier Select Hotel. Ça commence par des témoignages face caméra façon documentaire pour se poursuivre par de la fiction plus classique. La distribution mêle quelques vrais habitants du lieu aux acteurs professionnels. Les personnages sont paumés, putes, travelos, drogués, en situation irrégulière. Ils se croisent tous dans l’hôtel éponyme. Et puis la caméra finit par suivre Nathalie et Tof. Nathalie est camée, prostituée, malmenée par Denis, un souteneur pas tendre. Tof est son frère soucieux. Quelques semaines après Nénette & Boni, encore une fratrie de cinéma, deux enfants terribles. La situation semble plombée et l’on imagine l’issue fatale. Le film s’attache alors à Pierre, un cordonnier fasciné par l’univers dans lequel évolue Nathalie. Il se met à la suivre, à décrocher de sa propre vie de famille, pourtant très installée. Il passe du statut de gros con (quelques scènes suffisent à le comprendre) à celui d’homme qui doute. Cet abandon est particulièrement bien capté. Les plus beaux moments du film sont ceux, nombreux, où l’on a le sentiment de rencontrer la vérité souvent douloureuse d’un personnage. Laurent Bouhnik ne se contente pas d’explorer la marge, il a également le talent de rentrer dans le lard des scènes. Ainsi, il lui suffit de quelques minutes pour rendre attachant un type que Nathalie rencontre dans la rue et qui s’accroche désespérément à ses théories de marketing. « Paumé ! », lui souffle-t-elle en lui lâchant un billet. A propos de Select Hotel, certains ont très vite dégainé les mots « déplaisant » et même « complaisant ». Si Laurent Bouhnik stylise cet univers (on peut faire ici un parallèle avec Hôtel du Nord), c’est de manière cohérente et souvent bienvenue. La mise en scène suggère davantage qu’elle n’impose, en particulier lors des passes sordides de Nathalie avec Saint-Paul, un client cinglé. D’aucuns bloquent sur le casting, en particulier sur Julie Gayet, sans doute parce qu’ils n’arrivent pas à oublier ses précédents emplois de gentille nymphette. Elle est pourtant impressionnante dans un abandon (encore !) total au rôle. Oui, décidément, il y a tout à gagner à se laisser déranger.
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