Wes Craven reprend sa franchise horrifico-sarcastique en l’adaptant plus ou moins adroitement aux temps de l’iPhone et du 3.0.
Nouvelle décennie, nouvelles règles”, promet un teaser de Scream 4. La première mouture, sommet de la déconstruction des genres et parangon d’ironie postmoderne, fit choir l’horreur de son socle de marbre il y a quinze ans.
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Deux suites suivirent, en 1997 et 2000, dont la faiblesse croissante permit de se préparer à l’extraordinaire nullité des quatre Scary Movie à suivre, parodies effrayantes, en effet. Par la suite, pendant que Wes Craven dilapidait son crédit dans d’improbables séries B sorties directement en DVD, la jeune génération pillait son héritage et celui de ses pairs dans d’inégaux remakes – pour une Colline a des yeux d’Alexandre Aja (supervisé par Craven lui-même), combien de crapoteux Freddy – Les griffes de la nuit produits par Michael Bay ? –, quand elle n’en poussait pas la part pute dans ses plus mercantiles retranchements (Saw, Hostel, et la vague de torture porn).
Bref, l’horreur ressemble aujourd’hui à un champ de ruines sur lequel quelques cinéastes valeureux essaient malgré tout de restaurer un peu de croyance (Rob Zombie, exemplairement). Qu’attendre, dans ce contexte, d’un nouveau Scream ? La seule chose dont la série ait jamais été capable : des ricanements. L’horreur ? Non.
Bizarrement, toujours le plus fort au petit jeu du “rira bien qui rira le dernier”, le cinéaste parvient à hisser son quatrième opus au niveau du premier. C’est-à-dire assez haut pour en faire une méga machine méta, sans empêcher toutefois un certain ennui de s’instaurer.
Craven va ainsi s’évertuer, pendant une heure cinquante, à régler son compte au genre, comme il va (dans un hilarant prologue gigogne, quintessence quasi expérimentale de la série) moquer l’emprise de l’iPhone sur les chères têtes blondes (mais alors vraiment très blondes), puis railler l’obsession des mêmes pour la célébrité immédiate (“je veux des fans, pas des amis” = meilleure punchline du mois).
Et puis soudain, au milieu de cette orgie d’inside jokes, Craven se rappelle pourquoi il fait du cinéma : pour filmer, ad nauseam, les effets de l’insertion d’une lame dans un corps. De toutes les façons possibles. Le film déploie ainsi un nombre incalculable de meurtres à l’arme blanche, véritable signature de la saga, mais leur enjeu est totalement évacué.
Et pour cause : qui se soucie encore de connaître l’identité de l’assassin, puisque, comme le souligne la pythie du film (jadis un aspirant scénariste, aujourd’hui un simili-Zuckerberg, les temps changent), ”l’inattendu est la nouvelle normalité” ? L’intrigue fait donc long feu, et il ne reste plus qu’à observer, mi-fasciné, mi-ennuyé, la chair se faire charcuter, le sang gicler.
Comme un porno, dont seul le regain burlesque du dernier quart d’heure viendrait troubler l’impavidité. La permanence des héros emblématiques de la série, momies botoxées appelées “survivants” (increvables David Arquette, Courteney Cox et Neve Campbell), souligne un peu plus encore l’ambition de Wes Craven : conjurer la mort par l’éternité d’un rire sarcastique, réaffirmer, au milieu des cadavres, la ténacité des vieux guerriers. Nouvelle décennie, anciennes règles.
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