On le sait, la carrière cinématographique de Soderberg s’est ouverte sur un gros trauma inaugural : la Palme d’or surprise à Cannes pour Sexe, mensonges et vidéo. Voilà qui peut démolir un cinéaste encore plus sûrement qu’une volée de bois vert critique. Pour l’avoir revu récemment, on sait que Sexe, mensonges et vidéo est un […]
On le sait, la carrière cinématographique de Soderberg s’est ouverte sur un gros trauma inaugural : la Palme d’or surprise à Cannes pour Sexe, mensonges et vidéo. Voilà qui peut démolir un cinéaste encore plus sûrement qu’une volée de bois vert critique. Pour l’avoir revu récemment, on sait que Sexe, mensonges et vidéo est un petit film et qu’une Palme d’or était bien trop écrasante. Et de fait, Soderberg s’est ensuite un peu écrasé. Ses films suivants, Kafka ou King of the hill, n’étaient certes pas indignes, contenaient leurs moments mais ne se départissaient pas de leur gangue scolaire. Loin de s’épanouir, Soderberg apparaissait comme un élève cinéphile appliqué et consciencieux, un petit théoricien limité et laborieux. Mais comme Soderberg n’est pas idiot, il se rendait parfaitement compte de cette situation : Schizopolis est le résultat de cette prise de conscience, de cette volonté de reprendre possession de soi. Et si Soderberg n’a pas réalisé là un grand film, au moins peut-on admirer son cheminement, son désir de faire œuvre légère et son sens de l’humour (nouveauté chez lui). Schizopolis est donc une toute petite production tournée à dix, une œuvrette de voisinage filmée dans son quartier, quasiment une pochade entre copains. Soderberg y raconte plusieurs histoires entrecroisées mettant aux prises quelques Américains moyens… A travers eux, il se livre à un état des lieux humoristique et pessimiste de la société américaine : des employés se bouffent entre eux pour une promotion, les gens ne communiquent plus que par phrases codées (très très drôle), la télé diffuse des news absurdes (à la fois hilarant et très grinçant), des gurus font leur beurre sur le dos d’une population complètement endormie et déboussolée (toute ressemblance avec la scientologie n’est pas fortuite)… Soderberg pointe les petites et grandes horreurs de la société moderne et derrière la dérision, on sent un homme assez désespéré. Mais s’il rappelle un peu le comique Tati, Soderberg est loin du cinéaste Tati : Schizopolis n’est finalement qu’un assemblage de sketches façon surprises de Canal, un Hamburger film sandwich intello. Et par moments, l’exercice devient lassant, tourne à vide. Si Schizopolis ne convainc pas vraiment comme objet cinématographique, il n’empêche que Soderberg nous tend habilement le miroir de notre monde occidental : un monde superficiellement policé, profondément absurde et aliénant.
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