Génie sans vieillir. Il faut revoir tout Hawks pour se rendre compte à quel point sa modernité et la beauté de ses films restent éternelles. Scarface est sans grande controverse possible le meilleur film de gangsters des années 30. Cette réussite éblouissante est le résultat de l’association de trois fortes personnalités du cinéma américain de […]
Génie sans vieillir. Il faut revoir tout Hawks pour se rendre compte à quel point sa modernité et la beauté de ses films restent éternelles.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Scarface est sans grande controverse possible le meilleur film de gangsters des années 30. Cette réussite éblouissante est le résultat de l’association de trois fortes personnalités du cinéma américain de l’époque. Le producteur Howard Hugues, qui permit l’aboutissement de ce projet audacieux en toute indépendance, malgré les grosses tracasseries de la censure, le scénaristeBen Hecht, qui développa un matériau journalistique (les exploits d’Al Capone) en établissant un curieux parallèle entre la trajectoire du malfrat et celle des Borgia (intrigues, meurtres et même inceste et folie), et enfin Howard Hawks, au début de sa carrière parlante et qui signe avec Scarface un de ses films les plus brillants. Hawks se fera plus tard un principe de doser avec davantage de discrétion la virtuosité exhibitionniste de ses premiers films.
Comme la majorité des grands films hollywoodiens de cette époque, Scarface subit l’influence de l’expressionnisme. En revanche, Hawks est déjà affranchi de toute théâtralité et de tout psychologisme. En bons (anti)héros hawksiens, les gangsters de Scarface se définissent par leurs actions, réduites ici à des manifestations de violence frénétique. C’est justement le comportement des personnages qui inscrit Scarface comme une oeuvre atypique dans la carrière de Hawks. Cinéaste de l’intelligence et de la maîtrise, il filme un monde peuplé de tarés hystériques et de débiles mentaux : Tony/Scarface/Paul Muni en tête, gorille psychopathe, sa soeur nymphomane, ses acolytes (un analphabète qui ne sait pas répondre au téléphone, un séducteur plus évolué mais néanmoins lymphatique) ou ses ennemis. Les gangsters de Hawks sont des gamins idiots et mal élevés, vingt ans avant que le cinéaste ne fasse de la régression infantile le sujet d’une de ses comédies (Monkey business/Chérie, je me sens rajeunir). Si ses héros vont gagner par la suite en laconisme et en exemplarité, le style de Hawks va également s’épurer.
La mise en scène de Scarface est déjà un modèle de sécheresse, mais on reste surpris par les motifs symboliques, ces fameuses croix qui barrent régulièrement l’écran, comme des marques infâmes condamnant la criminalité. Un chef-d’oeuvre donc, mais peut-être le film le moins hawksien de Hawks. Pas étonnant que De Palma, cinéaste pas hawksien pour un sou, réalise en 1983 un remake de Scarface, et un nouveau chef-d’oeuvre nettement plus discutable que son modèle. Mais cela est une autre histoire.
{"type":"Banniere-Basse"}