Après Le Vent de la nuit (98), film trop concerté, justement, et sans doute trop sommairement pathétique, Sauvage innocence se présente dès ses premiers plans (une voie de chemin de fer, le regard perdu d’un homme jeune, une chambre) comme un très beau retour à un cinéma de la révélation, au sens photographique et non […]
Après Le Vent de la nuit (98), film trop concerté, justement, et sans doute trop sommairement pathétique, Sauvage innocence se présente dès ses premiers plans (une voie de chemin de fer, le regard perdu d’un homme jeune, une chambre) comme un très beau retour à un cinéma de la révélation, au sens photographique et non religieux de ce terme, dans lequel un coin de rue de Paris, un café, le vent dans les arbres, le sourire d’une fille, l’ici et maintenant de tout un chacun est restitué dans toute sa mouvante complexité, réchappé de sa banalité et rendu au spectateur étourdi, non pas magnifié mais prélevé, de nouveau concret, vibrant car vivant sous le regard d’un artiste qui ne saurait renoncer à son ambition de toujours : être un voyant.
Cinéma de la révélation du monde, infiniment tactile, d’une sensualité si troublante qu’on se frotte souvent les yeux en se demandant si on n’a pas rêvé ce qui vient d’apparaître à l’écran : tout cela est vrai, et la photographie hallucinante de Raoul Coutard n’est pas pour peu dans ce fantastique effet de rendu. Mais depuis près de vingt ans, tout l’effort de Garrel consiste justement à faire oublier son talent de poète, qui travaille la matière même du cinéma (la lumière et la pellicule), pour parvenir à faire des films de récit, avec des dialogues et des péripéties, une intrigue et un scénario, des films normaux . De ce point de vue, la première partie de Sauvage innocence est un sommet, comparable à J’entends plus la guitare (90) et La Naissance de l’amour (93), deux précédentes réussites de cet alliage si délicat entre sensualisme et dramaturgie.
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