Comédies grasses à l’heure de l’ère Sarkozy, suite. Après le bling-bling ostentatoire de Coco, on assiste à un retour en force de l’habit ecclésiastique – qui n’avait plus été à pareille fête depuis Mon curé chez les nudistes. De Soeur Sourire au Missionnaire Bigard, le message demeure le même, mais cette fois-ci il porte le voile. Des complexes, enfin ?
La semaine dernière, sortaient sur nos écrans deux films aux héros porte-croix et prêcheurs de la Sainte Eglise, Le Missionnaire et Sœur Sourire – et la figure religieuse n’avait pas été à pareille fête Mon curé chez les nudistes (1982). Jean-Marie Bigard d’un côté, truand ayant mis la soutane pour mieux s’évader de prison. Cécile de France de l’autre, en bonne sœur, starlette pop de la chanson ecclésiastique. L’un est un imposteur, infréquentable en tenue de Mesrine, adulé en robe de prêtre, prêchant des sermons simples, parlant « avec le cœur », sans détour ni rituel. L’autre, sœur animée par le désir de parler vrai et de laisser l’Eglise s’exprimer avec les armes de la société du spectacle. Dans les deux films, des religieux sont exposés à la richesse (le butin d’un casse ou le succès d’un disque). Un prêtre sur un yacht sniffant à n’en plus finir. Une bonne sœur devenue simili-Sagan d’un coup de hit machine. On ne saurait s’empêcher de relier la sortie de ces deux films célébrant une spiritualité pop, voire franchement bling-bling, à l’épisode papal de la présidence Sarkozy, fin 2007, un des grands ratés de sa communication post-élection. Parti pour un sacre chanoinesque, il restait alors une chance à Nicolas Sarkozy de teinter son mandat de la solennité, celle de l’au-delà, due à sa fonction princière. Mais il prit le parti de débarquer à Rome aux côtés de Jean-Marie Bigard et de tapoter du texto devant le pape. Sans hauteur ni tenue, le président frais de l’an en finissait avec la sacralité qui avait jusque-là auréolé la tête de l’Etat et contribuait à participer d’une forme de mépris pour la chose religieuse. Dont acte. Avec Sœur Sourire ou Le Missionnaire, on retrouve quelque chose de l’ère Sarkozy (avec le même Bigard), le clinquant, les paillettes, les Ray-Ban et le yacht, le +170%, la fortune sans complexe et loin de toute humilité – mais ce qui frappe dans ces films, c’est l’habit sous lequel on les cache : la soutane des religieux. Comme si de l’obscénité fourre-dollars de Coco, le cinéma populaire français époque Sarko retenait les leçons d’une communication présidentielle à côté de la plaque et entamait un virage plus nuancé. Non pas celui du vœu de pauvreté, mais bien celui de la richesse voilée. Obsédée par l’argent depuis quelques années (Le Coût de la vie, Hors de prix, Ah si j’étais riche, Coco, Erreur de la banque en votre faveur, etc.), l’industrie du cinéma, période de crise oblige, change de stratégie, atténue et déguise une tactique Monopoly sous les atours de l’habit du moine, plus humble, remuant moins le chéquier dans la plaie du consommateur en mal d’avoir. Ces films font passer en secret un Coco pour un avatar des Choristes, l’autre tendance d’un cinéma franchouillard. Les tics du public face aux frasques des plus fortunés (élyséens ou non) sont de bons indicateurs de ce qui choque ou plaît. L’émotion provoquée au Vatican aura peut-être donné des idées aux producteurs en introduisant dans les films qu’ils financent un discours du type : « Gardons le riche du scénario mais montrons que les billets ne sont pas le miroir de son âme ». La foi feinte ou le véritable enthousiasme permettent ainsi de décaler l’objet du discours sur l’apparence du profond. Ce qui apparaît avec Le Missionnaire et Sœur Sourire, c’est une tendance au héros apprenti Sarko déguisé en don Camillo.
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Thomas Pietrois-Chabassier
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