Chronique alerte et originale de la sortie de prison d’une jeune mère dans l’Argentine des années 80. Avec John Cale qui pousse la voix en arrière-plan.
Alba sort de prison au cours des années 1980 et s’embarque avec son fils de 6 ans, Inti, qui ne la connaît pas et la considère comme une intruse, pour la ville d’El Bolsón, en Patagonie, repère argentin de hippies et marginaux de tous poils.
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Cela tient de la chronique de la zone, du road-movie, de la satire sociale, du drame naturaliste, sans suivre une progression linéaire, en mêlant indiciblement les tons et les registres.
La partie road-movie est peut-être la plus énigmatique et séduisante, malgré ou grâce à sa brièveté. Episode peu discursif, heurté, au propre comme au figuré. Voir la séquence assez magique où, la nuit, Alba sort du camion qui l’a prise en stop avec son fils, pour se diriger vers la lumière de ce qui ressemble à une maison.
Grâce au filmage subjectif avec une caméra bringuebalante, le spectateur est victime de la même illusion. Il se produit un effet de trompe-l’œil, un soudain changement d’échelle : on s’aperçoit très vite que cette maison n’est en fait qu’une minuscule chapelle votive, bourrée d’ex-voto, de statues de la Vierge et de bougies.
Cette scène condense un peu le principe du film : tout le parcours de cet enfant et de sa mère, non pas indigne, mais complètement azimutée, est jalonné d’illusions et de faux-semblants.
Le cinéaste pointe constamment la naïveté et l’inconscience de ces manques et dysfonctionnements, mais sans jamais moraliser. La fenêtre de la maisonnette louée par Alba a été brisée par des enfants ; la jeune femme en agrandit l’ouverture à la scie et la recouvre d’un rideau de douche.
Un cambrioleur ne tardera pas à transgresser cette fragile barrière. Idem quand elle laisse des bougies allumées. Un long plan montre la table de nuit improvisée qui s’enflamme lentement.
Le montage et le filmage au jugé font écho au côté erratique des personnages. Quand, parfois, on frôle le réalisme poétique à l’ancienne (les scènes avec l’homme croyant qui prend sous son aile le petit Inti et l’emmène à la messe ; l’enfant s’enfuit en courant, effrayé par le rituel christique), on bifurque aussitôt dans une autre direction.
Salamandra pourrait aussi bien s’intituler “L’Anguille”, tant il est inclassable. C’est un objet polymorphe, inquiétant et farcesque, brouillon et sentimental.Un film mal peigné comme ses personnages, parfois à la limite de l’incohérence, à l’instar de son héroïne, Alba.
Dans le casting figure curieusement John Cale (du Velvet). On le remarque à peine, sauf lorsqu’il pousse la goualante. Mais même le tango (de Goyeneche) qu’il entonne au coin du feu, accompagné par ses compagnons tambourinant sur leurs verres, est à moitié couvert par les conversations.
Une œuvre biscornue, aussi humaine qu’animale, calquée sur ses personnages sans épine dorsale oscillant au gré du vent, des rebelles sans cause dont la fureur de vivre n’est pas manifeste. Une vision alternative de la Patagonie dans les années 1980.
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