Un passionnant tour du « périph » romain à la rencontre des habitants de cet espace indéfinissable entre ville et campagne.
Après les remarqués Below Sea Level et El Sicario, Room 164, Gianfranco Rosi livre un nouveau docu de haut niveau (Lion d’or de la dernière Mostra), confirmant la remarquable fécondité de ce genre souvent délaissé par les cinéphiles.
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Levons d’emblée le mystère de ce sacré « GRA », qui ‘est pas un remake italien d’un classique des Monty Python, même s’il dispense quelques incises comiques : GRA = Gran Racordo Anulare, soit tout simplement le périph de Rome. Si Rosi propose quelques plans « felliniens » (remember Roma) de cette autoroute pulsante, il s’attache surtout à suivre quelques humains habitant ou travaillant dans son voisinage périurbain.
Apparaissent alternativement un agronome surveillant la santé des palmiers, un père blablatant sans arrêt et sa fille silencieusement concentrée sur son ordi dans leur HLM, un couple d’aristos décatis louant leur palais barocco-bling-bling, des putes au kilométrage conséquent, un infirmier du Samu… La touche fellinienne contamine aussi cette petite galerie des personnes/personnages tour à tour grandioses, ridicules, excessifs, désopilants, cabotins, émouvants, bref, à la fois radicalement italiens et simplement humains.
Se dessine au bout du compte et du film un genre de tableau global de la société transalpine de ce début de XXIème siècle, où une sorte de génie populaire italien persiste malgré la mondialisation, la crise, les dégâts des années Berlusconi et la prolifération suburbaine. Car on a beau penser à Fellini, Sacro GRA est plutôt un anti-Roma : on ne voit ici aucune vieille pierre, nul monument antique, pas même l’ombre d’un ragazzo en Vespa, mais des paysages indéfinissables entre ville, banlieue et nature, la vie quotidienne dans des interstices urbains qui paraissent parfois surréels bien que totalement réels.
Ces lieux entre ville et campagne, ces franges de l’insatiable et proliférante anarchie urbaine symbolisent parfaitement un pays écartelé entre son riche passé mythique et son incertain futur. Quitte à faire s’étrangler un doyen de la critique française, ce Rosi-là nous paraît plus intéressant et stimulant que son illustre aîné homonyme.
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