On connaissait son groupe de rock Dead Man’s Bones. Ryan Gosling montre d’autres facettes insoupçonnées de son art dans la superbe comédie musicale de Damien Chazelle. Entretien.
Connaissiez-vous le travail de Damien Chazelle avant de faire La La Land ?
Ryan Gosling – Oui, j’avais vu Whiplash, mais pas Guy and Madeline on a Park Bench, sa première comédie musicale indé, pas sortie en salle. J’ai rencontré Damien pour travailler sur une bio de Neil Armstrong qui a été initiéeavant La La Land. On a beaucoup parlé de comédies musicales parce que j’avais moi-même travaillé sur un projet sur Busby Berkeley (chorégraphe et réalisateur américain – ndlr).
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Quand il a évoqué le projet La La Land, Damien avait un point de vue extrêmement stimulant et ambitieux. Il voulait faire un film pour le grand écran, un film qui ne donnerait rien sur un écran de smartphone, il voulait s’inspirer des musicals des années 1950 et des films de Jacques Demy… Il était passionnant, totalement habité par la question et il me donnait vraiment envie.
Quand Justin Hurwitz a commencé à travailler sur la musique, j’ai demandé à Damien de m’en passer un échantillon. Il m’a mailé le thème principal, je l’ai écouté et ça m’est resté en tête. Je n’arrêtais pas ensuite de le fredonner mentalement. Six mois après, il m’a envoyé le scénario en me demandant si je savais toujours danser !
Qu’aviez-vous pensé de Whiplash ?
Que son auteur était un cinéaste-né. C’est un film tellement bien maîtrisé en termes de cadre, de lumière, de récit, de musique, de rythme, de tonalité… Et puis Damien sait comment terminer un film, ce qui n’est pas si fréquent. Cela requiert un talent que tout le monde n’a pas.
Il a aussi celui de transmettre son amour et son érudition cinématographique au spectateur. Quand on voit ses productions, on comprend qu’il aime et connaît le cinéma. Il adore certains films, et fait les siens à partir de ces références. Et le spectateur ressent cette authenticité cinéphile.
Quelle est votre propre relation à la comédie musicale ?
J’en aime certaines sans être un hyperspécialiste. Par exemple, je ne suis pas particulièrement fan des comédies musicales scéniques de Broadway, que ce soit celles des années 50 ou les remakes d’aujourd’hui. Ce que j’apprécie dans les films musicaux hollywoodiens, c’est le romantisme, l’humour et aussi la nature expérimentale du genre dissimulée sous une surface très populaire.
“Ce n’est pas simple de réussir ce genre de film magique. A la moindre erreur, c’est comme écouter un mauvais musicien”
Par exemple, Un Américain à Paris glisse parfois vers l’abstraction derrière le masque d’un film pop-corn. Ce film a recours à tous les tours de magie que le cinéma recèle et aboutit à une expérience qu’on ne peut ressentir qu’au cinéma. C’est un film qui fait vraiment appel à ce qu’on désigne par la “suspension de l’incroyance”. Ce n’est pas simple de réussir ce genre de film magique. A la moindre erreur, c’est comme écouter un mauvais musicien.
J’aime aussi beaucoup Coup de cœur de Francis Ford Coppola, une comédie musicale moderne. Ce qui s’est passé avec ce film, son insuccès, me brise le cœur. C’est l’une des expériences visuelles les plus belles et ambitieuses que j’ai ressenties au cinéma. Ce film est sorti à la mauvaise époque (en 1982 – ndlr). Aujourd’hui, seuls les cinéphiles s’en souviennent. Et Ridley Scott. Coppola lui avait vendu les néons de Coup de cœur pour Blade Runner. La BO du film de Coppola était magnifique, je suis très fan de Tom Waits.
Vous vous êtes entraîné durement pour la danse et pour le chant, qui est différent de ce que vous faites dans votre groupe, Dead Man’s Bones.
On a répété pendant trois mois, ce qui n’est pas énorme mais quand même davantage que le temps de répétition habituel. C’était très intense. Il fallait apprendre les chorégraphies, les chansons, jouer du piano… Damien tenait à filmer en plans-séquences, on avait donc intérêt à avoir bien répété parce qu’il n’y avait aucun moyen de tricher au montage.
Je n’étais pas un novice. Gamin, je voulais devenir danseur et j’ai fait partie de compagnies. J’ai arrêté mais ça me manquait. J’étais heureux de m’y replonger. Répéter intensément le piano et la musique n’était pas seulement utile d’un point de vue technique, ça m’a aussi aidé à travailler le personnage, à mieux cerner qui il était.
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Dans ces phases de répétitions intensives, on ressent une certaine solitude, qui était aussi celle du personnage. Je me suis rendu compte que les musiciens étaient souvent des êtres solitaires, isolés, parce qu’ils passent beaucoup de temps à répéter.
Que pensez-vous de l’équilibre du film, entre joie et mélancolie ?
J’adore la fin du film, qui balance entre deux émotions opposées. Elle me fait penser aux fins de Casablanca ou d’Autant en emporte le vent. Je crois que tout spectateur peut à tout moment se demander : “et si ça s’était passé autrement ?” On fait tous des choix dans la vie et on a tous des vies qui auraient pu prendre d’autres directions à n’importe quel moment. Avec cette fin, on a le meilleur des deux possibilités de trajectoire des personnages.
On vous félicite pour vos Golden Globes. Qu’avez-vous pensé du discours de Meryl Streep mettant en garde contre Trump ?
Que j’étais heureux et chanceux de vivre dans un pays où existe la liberté d’expression.
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