Russell Brand : un pur stéréotype anglais, tendance pop-star cramée, à l’assaut du comique US.
Les coups de foudre comiques, ça existe aussi. En 2005, c’était Steve Carell dans 40 ans, toujours puceau (Judd Apatow). La même année, ce fut Will Ferrell dans Serial noceurs (David Dobkin). En 2010, c’est Russell Brand dans American Trip (Nicholas Stoller). Né il y a trentecinq ans en Angleterre, il fait, après une enfance chahutée, ses premières armes à la BBC.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Repéré par l’industrie américaine du spectacle, il est surtout connu du grand public comme futur époux de Katy Perry (« I kissed Russell Brand and I liked it »). Il n’est même pas à la moitié de sa vie, mais il a déjà écrit le premier volet de son autobiographie et s’apprête à publier le second. Ce détail n’est pas anecdotique.
Russell Brand se connaît bien et a le génie de jouer avec ce qu’il est : anglais, drogué, disert. Parmi la cohorte des nouveaux comiques, il frappe par une qualité que n’ont pas les autres, occupés plutôt à travailler « l’énormité » : le raffinement. N’imaginez pas pour autant un représentant de l’humour anglais pincé à la Alec Guinness ou un gentleman à la Roger Moore. Son truc, c’est de pousser le raffinement à l’outrance : si raffiné qu’il en devient mégalo, si raffiné qu’il en devient obscène. Son personnage, c’est celui d’un rockeur ultrasexué, adonné aux drogues, un peu féminin et téméraire. Il a une dégaine (celle d’un crabe sous hallucinogènes), un look (stridences hard-rock et promesses romantiques new-wave, comme la rencontre Black Sabbath-Spandau Ballet) et un accent (anglais jusqu’à l’épuisement).
Il joue presque son propre personnage dans American Trip, sous le nom d’Aldous Snow. Dans un avion, un fan lui explique que son dernier single est une daube. Contre toute attente, il ne se met pas en colère, pas plus qu’il ne s’effondre, mais se lance dans un développement sophistiqué pour expliquer sa réaction face à ce cassage en règle : « un respect hostile ».
Russell Brand, un héros de Tarantino qui serait passé par un pensionnat anglais, soupesant le pour et le contre de chaque situation qu’il expose avec une patience égale à de la lassitude, avec à la clé non pas une arrière-pensée tueuse (massacrer), mais plutôt altruiste (coucher avec son interlocuteur pour le bien de tous). Art de la dissertation donc, et art aussi de susurrer des paroles sucrées, ou outrageuses on ne sait plus, tant les deux vous mettent du baume au coeur. C’est lui qui sort la meilleure définition de l’esprit rock entendue depuis des lustres. Au fan désabusé qui lui balance « Tous tes discours, on y croit au début parce que tu les dis super bien, et puis en fait, c’est du flan », Russell Brand répond, interloqué qu’on puisse s’indigner : « Mais c’est ça, le rock’n’roll. » Le nouveau roi du flan, oui, c’est lui.
{"type":"Banniere-Basse"}