Sur un air de rumba, le nouveau petit joyau postburlesque du trio qui avait signé L’Iceberg.
La vie de Dom et Fiona s’organise selon une mécanique simple et bien huilée, d’une harmonie presque trop évidente. Fiona est institutrice. En cours, elle s’applique à faire des dessins naïfs sur un tableau noir pour apprendre l’anglais à ses élèves, qui répètent avec un mimétisme aussi docile qu’approximatif les mots qu’elle prononce. Effet comique garanti. La méthode d’enseignement de son mari, Dom, est un peu la même : on le découvre à travers la fenêtre de la salle de classe de sa femme en train d’apprendre des exercices de gymnastique plutôt clownesques à des gosses qui l’imitent de manière un peu confuse. Après les cours, le couple se retrouve dans le gymnase de l’école pour danser la rumba et peaufiner la chorégraphie rudimentaire et très synchronisée qu’ils ont préparée pour un concours de danse.
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Le récit se fait ici de la manière la plus basique possible, à travers des jeux corporels et sonores qui privilégient les lignes d’expression schématiques. Tout s’organise dans un premier temps sur le mode de la répétition des mots, des gestes : les élèves sortent de l’école en hurlant de bonheur, quelques secondes après les profs rejouent la scène à l’identique. On découvre ainsi avec amusement une série de tableaux vivants parfaitement rythmés, très colorés, légèrement farfelus et orchestrés avec une rigueur toute géométrique.
Cette immersion totale dans le cinéma burlesque (réduit aujourd’hui à être une composante parmi d’autres de certaines comédies) donne à Rumba un charme anachronique et une fraîcheur incontestable, d’autant plus que les cinéastes investissent de manière toute personnelle le genre en le mêlant avec grâce à la danse. Une question pourtant nous taraude : le film ne risque-t-il pas de tourner en rond à force d’être aussi carré ? Que nenni ! Le trio d’acteurs-réalisateurs – Abel, Gordon, Romy (qui ont signé L’Iceberg) –, pas dupe de ce piège, sait rompre à temps son système bien vissé. Un accident de voiture chamboule cruellement la donne : Fiona se retrouve unijambiste et ne cesse de s’emmêler les béquilles tandis que Dom perd la mémoire et donc le fil de tout ce qu’il fait.
C’est évidemment dans ce climat tragique, confronté à une soudaine fragilité physique et mentale, que Rumba, rappelant les univers de Tati et de Kaurismäki, s’épanouit pleinement. Le quotidien du couple prend alors une tournure épique, ne pouvant plus communiquer aussi simplement qu’avant. La belle idée du film est d’aller le plus loin possible dans sa logique de dérèglement et dans la voie mélodramatique qu’il ouvre. Dès lors, le rebond qui précède la chute s’avère particulièrement jouissif et porteur de toute la profondeur existentielle dont est capable le burlesque, cet art de retourner les obstacles en force co(s)mique.
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