Aux côtés de Belmondo ou de Jennifer Aniston, en animation ou en bave, les chiens ont envahi les écrans en ce début d’année. Alternative aux super-héros ? Réponse à la crise ? Repli sur des acteurs payés en Frolic ? Eléments de réponse de tous poils.
2009, année de la croquette. Volt, star malgré lui, Marley et moi, Palace pour chiens, Wendy et Lucy, Un homme et son chien ou encore Le Chihuahua de Beverly Hills : jamais encore le chien n’avait été tant projeté sur les toiles de cinéma qu’en ce début 2009. Il faut dire que 2008 fut une année éprouvante, entre état de crise et dépression mondialisés. Millions d’emplois détruits, milliards de dollars dilapidés, arnaques, faillites, consommateurs privés de leurs seul super-pouvoir d’acheter…
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Le cinéma se devait d’y aller de son plan de relance de l’estime de soi et de la bonne humeur. Les films de chiens seraient-ils alors l’arme fatale des producteurs contre la crise ? Essaie-t-on de nous vendre du canin tout heureux comme on a vendu La Vie est belle de Capra à un monde de 1946 qui n’avait plus de repères ?
« Un chien n’a que faire d’une grosse voiture, d’une belle maison ou de fringues branchées. Un gros bâton mouillé lui suffit. Il se moque de vous savoir riche ou pauvre, malicieux ou terne, intelligent ou stupide. Donnez-lui votre cœur, et il vous donnera le sien. A propos de qui peut-on en dire autant ? Qui peut nous faire sentir aussi rare, pur et unique ? Qui peut nous faire sentir aussi extraordinaire ? » lâche en voix-off Owen Wilson à la toute fin de Marley et Moi.
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Cette sentence qui aurait pu figurer en exergue de la plupart des films à toutous de cette année élucide peut-être en partie cette invasion de la truffe. Au krach, on préfère le ouaf. Le Chien n’est pas Bernard Madoff. Pas Kerviel. Pas trader. Le chien n’est pas bling-bling. Pas omniprésident, ni même patron. Le chien est une poupée qui rassure. Le refuge de goûts, de valeurs simples. Sa bave, sa langue pendante, son regard vitreux, son air idiot et globuleux, sa papatte haute, son jeu de tête penchée sur fond de couinement : c’est l’espoir d’un amour – de soi, de l’autre. Amour naïf, sans coup bas, sans autre promesse qu’une compagnie jusqu’à la mort. Le chien est un concentré poilu du meilleur de nous-mêmes.
A travers les chiens, « nous rendons hommage à l’amour, à sa possibilité, écrit Michel Houellebecq dans La Possibilité d’une île. Qu’est-ce qu’un chien sinon une machine à aimer ? On lui présente un être humain, en lui donnant pour mission de l’aimer et aussi disgracieux, pervers, déformé ou stupide soit-il, le chien l’aimera. » Et cette caractéristique paraît si surprenante pour les hommes qu’ils en viennent à aimer leur chien en retour, écrit-il encore. Le chien est « une machine à aimer à effet d’entraînement ». Il rend l’amour obligatoire et infaillible, donnant de solides certitudes, contrat sans perverses astérisques.
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Fabrique de sentiments heureux, petite boule amnésique et toujours enthousiaste, le chien incarne ainsi la promesse d’une aube imminente dans une nuit sans étoiles et offre un lien neuf, une réconciliation possible entre l’homme et son monde. Il aboie un amour contagieux, antidote contre toutes les dépressions. Et éclaire de ses penchants positifs une humanité rendue plus acceptable, convoquée sur les écrans pour en oublier le versant obscur. Adieu le monde cruel.
Thomas Pietrois-Chabassier
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