La disparition d’un homme en Irak. Les crimes de guerre dans le viseur du maître du réalisme social anglais.
Difficile de trouver sujet plus grave, cause plus contemporaine et dénonciation plus légitime que la guerre en Irak. Comme s’il y avait là pour Ken Loach, après un dernier film un peu léger sur un fan de Manchester United (Looking for Eric), le besoin de reprendre ce calme et ce sérieux qui ont fait de lui un cinéaste engagé et le chantre du “réalisme social”.
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Route Irish, c’est le récit d’un deuil contrarié. A la pauvreté de leur condition, Fergus et Frankie ont préféré la promesse d’une rente de 12 000 livres mensuelles non imposables en devenant mercenaires en Irak. Mais Frankie meurt sur la Route Irish, “la plus dangereuse du monde”.Et Fergus, persuadé que se cache là un coup monté, décide, une fois rentré à Liverpool, de mener sa propre enquête.
Le seul indice tangible, c’est ce téléphone portable laissé en héritage par Frankie et sur lequel se cache la vidéo d’un crime de guerre. L’occasion pour Ken Loach d’explorer un autre réalisme, celui du pixel, de YouTube, et d’une apparence de vérité en ligne, façon Redacted (2008). Seulement, là où Brian De Palma construisait son film entier sur l’idée d’une esthétique nouvelle (une image sans auteur, le cinéma de toutes les révolutions numériques, etc.), Ken Loach poursuit plutôt gentiment sa route, en filmant ce qu’il a toujours filmé : les rapports de classe, l’émancipation d’un système, d’une caste.
En fait, la force de Route Irish est ailleurs, dans la déterritorialisation de l’espace filmé. Liverpool devient Bagdad. Un chien à trois pattes passe discrètement dans le cadre. Des handicapés jouent au football. Des Irakiens sont attaqués. Un tout-terrain explose au milieu d’un parking. Et lors de l’enterrement de Frankie, il n’y a pas de drapeau, pas d’officiel, pas de héros.
L’idée de nation laisse place à celle du business. La guerre est un job comme un autre et l’on ne meurt plus que pour gagner sa vie. Une journée ordinaire dans un monde réglé sur l’annonce des bénéfices trimestriels, en somme.
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