En 1976, la star allemande se confie à une journaliste. De cette interview est né un documentaire émouvant où chacune cherche à faire entendre sa vérité.
En seconde partie d’une soirée consacrée à Romy Schneider (après la diffusion du film de fiction 3 Jours à Quiberon d’Emily Atef), Arte diffuse un documentaire de Patrick Jeudy, Conversation avec Romy Schneider, articulé autour d’une interview donnée en 1976 par la comédienne pour la revue féministe Emma.
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L’actrice est au sommet de sa carrière française. Conversation avec Romy Schneider est un double portrait. Celui d’une star rongée par des maux anciens, dont les germes d’autodestruction se propagent à vitesse croissante dans tout son être. Mais celui aussi de la journaliste à qui elle choisit de se livrer et qui ne s’attendait pas à faire face à une telle décharge d’affects embrasés : Alice Schwarzer. Francophone, ayant suivi l’enseignement de Foucault à Vincennes, proche du MLF dont elle a importé les modes d’action en Allemagne, cette militante est l’autre personnage principal du documentaire.
Les bandes enregistrées de l’interview constituent la trame du récit, et Alice Schwarzer, face caméra, les commente, se remémore ces longues heures passées à écouter la comédienne dans un café près de la cathédrale de Cologne. Tous les détails qu’elle donne sont passionnants : comme le fait qu’à la demande de Romy Schneider ce dialogue de deux femmes allemandes se fasse en français. Comme si la langue maternelle était pour l’actrice une gangue dangereuse, toxique, qui l’empêcherait de faire entendre sa vérité.
“La journaliste décrit de façon très habitée l’état de demande de la comédienne, d’être entendue, comprise, jusqu’à l’épuisement”
La langue allemande et la figure maternelle sont au cœur des souffrances de la star. Peu à peu affleurent les souvenirs d’une enfance passée auprès d’une mère actrice, choisie pour emblème par l’Allemagne nazie. La résidence familiale secondaire, dans les montagnes de Bavière, était en face du chalet d’Adolf Hitler (des images d’archives montrent Magda Schneider aux côtés du Führer).
La journaliste décrit de façon très habitée l’état de demande de la comédienne, d’être entendue, comprise, de voir cet entretien ne jamais s’arrêter jusqu’à l’épuisement. Elle décrit avec des mots très justes l’étrange combinaison de faiblesse et d’autorité de cette star rayonnante et blessée.
Le mérite du documentaire est d’entrelacer de façon vibrante ces deux niveaux de confidences : celles d’une comédienne qui voudrait se délester des souffrances d’une vie en un soir et celles de son interlocutrice, qui reçoit ce legs avec émotion et un peu de perplexité et qui, quarante ans plus tard, semble aussi avoir besoin de s’alléger en nous le transmettant.
Conversation avec Romy Schneider de Patrick Jeudy (Fr., 2017, 53 min), le 15 avril à 22 h 45 sur Arte, du 8 avril au 1er juin sur arte.tv
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