Comment vivent les enfants de sans-papiers ? Dans quelle peur ? Cinéaste en colère, Romain Goupil s’est entouré d’écoliers pour raconter une histoire d’expulsion dans un film survolté et quand même joyeux.
Si le geste militant forme la sève originelle de ses films, celle-ci se noie dans un bain (de jouvence) plus fort qu’elle. Ce qui vibre à l’écran tient à la vitalité du film, à l’esprit de piraterie qui y flotte, aux plaisirs de petites canailles incarnées par des enfants plus survoltés qu’en révolte. Goupil a tenu à mettre les mômes au coeur de chaque plan tout en les laissant le plus possible maîtres de leurs mouvements, quitte à les laisser improviser.
“En général, je n’aime pas les films avec des enfants parce qu’on les manipule ; l’innocence utilisée, cela me gêne beaucoup. J’aime que les mômes soient libres, qu’on ne pense pas à leur place, qu’on leur laisse leur énergie pure comme dans Zéro de conduite de Jean Vigo, un modèle.”
C’est l’énergie de ce conte d’enfants pour adultes qui a poussé Valeria Bruni Tedeschi à jouer la mère du chef de la bande des insurgés.
“L’imaginaire de l’enfance et l’histoire d’amour platonique entre Milana et Blaise m’ont beaucoup touchée, confie-t-elle. Je trouve qu’il y a dans le film quelque chose de très gai, de très joyeux, de très gracieux. La mère que j’interprète me semble pleine de contradictions : ce n’est pas une militante pure et dure mais une femme un peu rigide, confrontée à un problème éthique.”
Jouer avec des enfants
“oblige à une grande vérité parce qu’ils donnent la touche juste”.
La présence fragile et généreuse de Valeria Bruni Tedeschi à l’écran, de par son nouveau statut de belle-soeur du président, peut être interprétée comme un geste frondeur. Ce qu’elle récuse :
“Pour moi, un beau film ne peut pas être politique, au sens où il développerait une thèse. Le film de Romain est un beau film tout court.”
L’énergie qu’elle mobilise pour protéger les enfants et dénoncer, dans sa colère contre son mari (joué par Goupil) ou son frère cynique (Hippolyte Girardot), la politique de l’Etat français à l’égard des sans-papiers, lui a déjà donné l’occasion d’en discuter avec sa soeur.
“On se parle beaucoup dans la famille. Ce n’est pas un drame si on n’a pas les mêmes idées”, reconnaît-elle.
Ce que le film dit en creux du contexte politique promu par son beau-frère ne la gêne pas, au contraire :
“La critique de la réalité, l’ironie, la cruauté, les secousses sont propres au cinéma. Vous savez, j’étais déjà cruelle et ironique avec ma famille dans Il est plus facile pour un chameau…”
Les Mains en l’air a pour elle la forme d’un “conte de fées romantique sur fond de guerre”. Romain Goupil revendique ce statut de conte romantique, même s’il se déploie dans un espace réaliste. Les mains en l’air, mais les pieds sur terre.