Un portrait documentaire réussi de la plus grande star du porno, et par extension de l’industrie contemporaine du X.
A quoi tient la fascination exercée, trente ans après ses débuts, par Rocco Siffredi, acteur porno le plus célèbre d’Europe et sans doute du monde ? A sa longévité ? Elle est certes exceptionnelle, mais Rocco n’a pas attendu les années pour devenir une star. A la longueur de son pénis ? Si ses 22 ou 24 cm le placent largement au-dessus de la moyenne des hommes, ils constituent la norme dans son métier. A sa beauté, à son charisme ? Cela aide mais ne suffit pas.
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Non, ce qui fait que Rocco demeure une bête de cinéma qui passionne au-delà du petit monde du X – on se souvient comment Catherine Breillat s’en approcha, il y a dix-sept ans, dans Romance –, c’est son récit. Pas nécessairement son “histoire personnelle”, que cet excellent documentaire, réalisé par Thierry Demaizière et Alban Teurlai, s’attachera d’ailleurs à raconter, mais plutôt ce que sa présence, ses gestes, ses mots dessinent, devant une caméra. A savoir : un amour inconditionnel des femmes.
Un documentaire proche d’un biopic
Que ce récit soit sujet à caution est une évidence ; il l’est comme tout récit, ni plus ni moins. Mais c’est en affirmant, même de façon paradoxale (par une sexualité parfois brutale), qu’il aimait follement les femmes, que Rocco Tano, né en 1964 dans les Abruzzes, est devenu Rocco Siffredi.
Le docu de Demaizière et Teurlai, proche dans sa forme d’un biopic – il part de l’annonce par l’acteur de la fin de sa carrière pour remonter le fil de sa vie, à travers des interviews-confessions et des mises en situation, sur ses tournages ou dans sa vie quotidienne –, explore précisément cette part de mythe.
Abella Danger, débutante déjà rouée, vrille de désir
Sans atteindre la puissance plastique et théorique du film de Raphael Siboni sur HPG, Il n’y a pas de rapport sexuel (2011), Demaizière et Teurlai posent, après trois ans d’enquête, un regard précis, complexe et sensible sur l’industrie contemporaine du X et son plus fameux émissaire. On peut leur reprocher un peu de complaisance ici ou là (par exemple lorsqu’ils laissent Rocco ou les membres de sa famille s’autocongratuler), mais le portrait est pour l’essentiel juste.
Plus qu’en l’écoutant ou en le regardant, lui, c’est en laissant de l’espace à certains personnages secondaires que les cinéastes sont les plus perçants. Il faut ainsi écouter Kelly Stafford, l’éternelle favorite revenue faire un dernier tour de piste, expliquer avec malice que la dominée est en réalité celle qui domine, qui impose ses règles et son plaisir. Ou encore voir le regard d’Abella Danger, débutante déjà rouée, vriller de désir dès l’instant où il croise, en coulisse, celui de l’étalon italien.
Mais il faut surtout observer le cousin Gabriele (Rocco n’a pas de frères, seulement un cousin), acteur raté et réalisateur guère plus avancé, personnage de buddy-movie, se dépêtrer de sa relation sado-maso avec la star. La cruauté mêlée de tendresse qui s’y fait jour est sans doute ce qui résume le mieux l’animal et, partant, la part du porno qu’il incarne : une grande comédie burlesque.
Rocco de Thierry Demaizière et Alban Teurlai (Fr., 2016, 1 h 43)
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