Entre fiction et mise en situation réelle, un beau film de colonies de vacances.
Des adolescents venus des quatre coins de France se retrouvent sur un quai de gare, accompagnés de leurs parents et attendus par les animateurs de la colonie de vacances qui va les réunir le temps d’une semaine. Des gros plans de visages juvéniles, d’yeux, de bouches se succèdent, sur une douce et sobre musique de feu de camp, pour une fois audible : une guitare mélancolique mêlée à une mise en scène à la fois flottante et précise, induisant un autre temps, un autre regard, une drôle de suspension d’événements pourtant très concrets, très physiques. D’emblée, Sophie Letourneur s’immisce d’une manière extrêmement personnelle dans les images a priori attendues de la colonie de vacances et ce qu’elle peut impliquer de cauchemardesque, non seulement dans tout ce qu’elle contient – la vie en groupe, les éducateurs babas sympas, les activités imposées – mais aussi dans tout ce qu’elle évoque de repoussant d’un point de vue cinématographique et télévisuel : des Bronzés aux feuilletons pédago-démagos du service public type Les Monos en passant par le reportage préestival d’Envoyé spécial. Les écueils sont nombreux, et pourtant Roc & Canyon réussit le tour de force d’y échapper sans pour autant chercher à éviter les clichés. Et c’est ce qui est vraiment passionnant dans l’entreprise menée par la réalisatrice. Comment donner du relief à des platitudes – des histoires banales d’amours de vacances – et les faire vivre dans leurs paradoxes ? Comment cette prévisibilité-là, mêlée d’attente, est-elle vécue par les personnages ?
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Cette démarche se nourrit de la belle alchimie qui s’opère ici entre fiction et documentaire. Sophie Letourneur a bel et bien suivi une colonie de vacances, mais elle a fait jouer, voire improviser, les adolescents (tous excellents) dans le cadre de situations réelles imposées par le séjour : activités sportives et quartiers libres. En ressort un troublant travail sur le jeu et la vérité (des sentiments), doublement présent, donc, à la fois dans le dispositif et les enjeux fictionnels. A ce titre, les rires nerveux (joués ? réels ?) qui ponctuent souvent les dialogues des adolescents sont évocateurs. “Je ris toujours dans les moments graves”, explique à son amoureux l’envahissante Marion ; là se situe l’émouvante fragilité soulevée par le film, qui prend avec un beau sérieux et restitue finement une vraie fausse légèreté adolescente.
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