Retour timide du réalisateur culte de Macadam à deux voies.
L’adage veut que les réalisateurs, en vieillissant, font œuvre d’épure, synthétisent leur style et ramassent leur propos. Monte Hellman, 79 ans, mythe parmi les mythes grâce à Macadam à deux voies, fait ici le chemin inverse.
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Premier film du cinéaste depuis vingt ans – durant lesquels il n’a cessé d’effleurer les projets sans pouvoir les signer (Reservoir Dogs, Buffalo 66…) –, Road to Nowhere regorge de fictions, de bifurcations, d’impasses et de chausse-trappes ; un film (trop) plein de toutes les histoires jamais racontées et jalousement gardées, pour le jour où.
Le scénario de Steven Gaydos, qu’il serait vain de résumer, est une mise en abyme à plusieurs niveaux, un tournage dans le tournage, avec meurtres, femme fatale et fascination d’un cinéaste pour son actrice : tout commence pour l’amour d’un visage, et tout y finira.
La circularité du récit indique un emprisonnement inéluctable. Où ? Dans l’enfer du cinéma, là où Hellman a manifestement passé les deux dernières décennies, et où son personnage doppleganger, Haven (paradis…), croupit au début du film.
Le cinéma absorbe tout, ne laisse rien à la vie : asphalte et Celluloïd en fusion dans Macadam…, double face de Warren Oates fondue sous le soleil dans The Shooting (à la fois fusillade et tournage, en anglais), et désormais le visage pixélisé de Shannyn Sossamon (Laurel), lorsque l’agrandissement finit par avoir raison même de la plus haute définition.
Cet emprisonnement est, hélas, la limite du film : plastiquement somptueux, celui-ci est aussi très désincarné. Et c’est finalement davantage la prise d’élan que le saut lui-même qui nous touche. Désormais que les preuves sont faites, nous attendons le prochain film de ce jeune cinéaste prometteur.
Jacky Goldberg
Voir également le livre d’entretien avec Monte Hellman, Sympathy for the Devil (éditions Capricci), 192 pages, 13,50 €
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