Révélé au grand public avec son rôle dans « Préparez vos mouchoirs », le film de Bertand Blier où il partageait l’affiche avec Patrick Dewaere, Gérard Depardieu et Carole Laure, Riton Liebman a grandi depuis. Pour son premier film derrière la caméra, il a choisi de rentrer dans le personnage de Milou, accro au Standard de Liège, l’un des plus grands clubs de foot belge. Un film qui rappelle les plus grandes heures de Nick Hornby. Interview ciné, foot et musique.
Votre film parle d’un personnage qui essaye de sortir de son addiction au foot, qu’est-ce qui vous a inspiré pour le travail d’écriture ?
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Riton Liebman- Ce ne sont pas vraiment des films, plus certains groupes de rock ou des livres. Ensuite, c’est inspiré de ma propre vie, puisque l’addiction je m’y connais un peu, même si cela fait parti de mon passé. Pour le foot, j’y suis un tout petit peu accro mais pas comme mon perso dans le film qui fait passer ce divertissement avant sa famille. Disons que ce sont plus des trucs de la vie qui m’ont inspirés. On a choisi de traiter de l’addiction au foot pour trouver un angle humoristique et barré. Par exemple, j’ai un très bon copain à Bruxelles qui a une culture de dingue en musique et livres, par contre il est supporter d’un petit club de foot et passe ses journées à traîner au bar. Bien qu’il soit un peu alcoolo et qu’il ne fasse rien de ses journées, cela ne l’empêche pas d’être quelqu’un de sensible, généreux, marrant.
D’autres films ont déjà parlé de ce genre d’addiction, pourquoi l’avoir abordé sur un ton plus léger que d’habitude ?
Les mecs qui se déchirent à l’écran et qui se font des trous dans les bras dans une chambre d’hôtel comme dans Trainspotting, je trouve pas cela rigolo, voire pathétique et pénible. D’après moi, c’est plus marrant de montrer un mec qui décroche. Dans mon film, Milou est face à ses angoisses et sa sensibilité dans le boulot et face à cette fille dont il est amoureux mais trop peureux pour lui avouer, c’est comme s’il avait à nouveau 14 ans, car il se prend les pieds dans le tapis.
Pourquoi le foot n’occupe finalement pas un rôle central dans le film et quels sont les films de foot qui vous inspirés ?
Le foot est un prétexte pour l’histoire d’amour et le retour à l’enfance. Après, j’ai pas vu beaucoup de film sur le foot, à part Coup de tête de Jean-Jacques Annaud mais quand tu vois le film, tu sens qu’il n’aime pas le foot.
Quel type de cinéma vous a inspiré dans votre travail de mise en scène ?
Le cinéma italien des années 60 et 70. Des films comme Le grand embouteillage ou Le pain au chocolat et L’argent de la vieille. On y retrouve une subversion et une dérision, tout en étant marrant, sans pour autant donner de leçon de morale sociale et se foutre de la gueule des gens. Ce qui n’est pas vraiment le cas des films de Ken Loach ou des films intellos français ou t’as toujours besoin d’un couillon pour se foutre de sa gueule, alors que finalement c’est celui qui fait le film qui est le couillon de l’histoire.
Quand tu étais acteur tu pensais déjà à prendre la caméra ?
Non pas vraiment mais c’est toujours quelque chose que j’ai plus ou moins fait. J’envoyais des cartes postales aux nanas pour les faire craquer ou je faisais des chansons avec mes potes. Après je suis passé au court-métrage donc c’est venu petit à petit car j’ai toujours écrit un peu en parallèle. La différence entre l’acteur et le réalisateur, pour moi : quand t’es acteur t’es enfant, le réalisateur c’est le papa. Après quand j’ai revu le film, je me suis dit à tel moment j’aurais du plus travailler sur certains aspects mais bon j’aurais pas joué dans le film ça aurait été la même chose. Faut accepter le film comme il est et pour le prochain on verra.
Une bonne comédie doit-elle mettre l’accent sur les dialogues ou le comique de situation, comme on en voit de plus en plus dans le cinéma français ?
C’est rare en France les bonnes comédies et les plus grosses c’est que de l’industrie. Faut jamais pour autant écrire que les dialogues, moi d’ailleurs j’aime pas tellement les films de Michel. Jamais dans un film Italien tu verras une scène uniquement destinée aux bons mots. J’ai rien contre les bons mots mais si tu es uniquement focalisé là-dessus, ça ne tient pas la route à la longue.
Quand le personnage de Milou se rend à Genk, on sent une petite tension entre votre personnage wallon et les hôtes qui sont flamands. Qu’en est-il des rapports entre ces deux communautés en Belgique ?
Pour la scène de film, c’était juste histoire de faire une petite blague. C’est vrai qu’en Belgique les flamands aiment bien que les Wallons parlent leur langue quand ils sont en Flandre, et je les comprends là-dessus. Dans le film personne n’a raison. Il n’y a pas d’animosité. Ce qui est génial, c’est que t’entends des flamands qui nous chambrent avec des chants du style « Mais ils sont où les Wallons ? » ou « Les Wallons c’est du caca » car on s’est vraiment fait rembarrer même si on n’a pas les images. Toutefois cela reste anecdotique. Je suis Bruxellois donc je suis en plein dedans, j’ai appris et je n’ai aucun problème avec les flamands. C’est plus un truc qui est exagéré par les médias et certains partis identitaires qui exploitent la chose, cette question ne se pose pas au quotidien.
Comment vous êtes vous débrouillés pour la Bande Originale, sachant que la question des droits d’auteurs est forcément un problème financier pour les films qui ne sont pas des blockbusters?
Je suis passé par deux professionnels qui sélectionnent pour toi des titres pour remplacer toutes les supers musiques que j’écoutais depuis mes 14 ans. Après quand j’ai écris mon film, j’écoutais des sons de Peter Tosh ou Miles Davis, voire des trucs moins connus. Du coup, c’était un peu frustrant, j’aurais voulu mettre quelques titres d’eux dedans. En même temps c’est pas plus mal, ça m’a permis de bosser en équipe et d’apprendre à me débrouiller. J’ai par exemple du faire l’impasse sur Radar Love, un tube de Golden Earring, un groupe de rock hollandais des années 70, car il aurait fallu débourser 15.000 euros. De plus, je ne voulais pas tomber dans le truc qu’on voit dans les films de Scorsese qui te balance tout le temps des tubes toutes les trois secondes comme ceux des Rolling Stones, c’est pas du boulot, c’est trop facile. J’avais fait un court métrage, et je voulais une musique de Jane Manson dedans, Faisons l’amour avant de nous dire adieu. Pour obtenir son accord, j’avais traversé la France pour la retrouver dans un centre hippique ou elle produisait un show à cheval. Bon bah, rien que ça, ça faisait un sujet de court-métrage. Pour revenir à la BO, j’ai quand même pu mettre un titre des Shocking Blue, un groupe que j’apprécie.
La musique a été toujours été importante pour vous dans votre vie ?
Oui. Vous savez dans les années 70, en Belgique il n’y avait rien. Du coup, on était ouvert à ce qui se faisait en Angleterre qui nous permettait de découvrir Kool and The Gang, le funk et la disco. J’écoutais aussi ce qui sortait en Hollande. En France, c’était le désert et quand j’ai vu débouler des groupes comme Téléphone ou Trust, je me suis dit que c’était pas mieux. Il a fallu attendre les années 80 pour voir des trucs intéressants sortir en Belgique, grâce notamment à l’apport de la new wave.
Internet a-t-il modifié votre rapport à la musique ?
Oui forcément. J’ai perdu tous mes albums de Chic et les solos de Nile Rodgers. Au lieu d’aller chez un disquaire, je vais les trouver sur le web, notamment sur YouTube. De toute façon, j’ai un appartement qui fait 60 mètres carrés, donc pour caser ma collection cela aurait été dur. Je voulais pas non plus ranger mes disques sous le lit.
Un deuxième film est en projet ?
Oui, cela tournera toujours autour de l’addiction amoureuse, je pense. Par contre, on ne parlera pas de foot cette fois.
Je suis supporter du Standard, de Riton Liebman. En salles.
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