Un sombrero peut parfois receler tout un univers. La preuve avec cet essai documentaire au charme aussi inouï qu’indicible.
Il ne faut pas grand-chose pour faire un film. Parfois, un simple chapeau suffit. Enfin simple… Dans Rio Corgo, c’est un imposant sombrero mexicain. Il est porté par un certain Silva, un vieux moustachu en costume noir, qui arbore également des bottes de cow-boy historiées avec lesquelles il arpente de long en large son village du Trás-Os-Montes, au nord du Portugal.
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Sans le sombrero, dont on ignore l’origine exacte, le film ne serait pas le même, et Silva n’aurait pas cette aura mystérieuse. Cet accoutrement, assumé avec grâce, n’est pas un déguisement mais la marque d’une personnalité. Il transforme le héros en une figure donquichottesque qui attire immanquablement l’attention.
Entre mythe et réalité
Pourtant, bien que le film ne soit pas tout à fait un documentaire, Silva n’est pas une invention. C’est après tout une chronique d’une vie rurale hors-norme dont la beauté singulière réside dans sa discrétion. On assiste aux derniers moments, aux derniers jours peut-être, d’un être solitaire qui charrie un passé qu’on devine chaotique. Si on en croit ses brèves et rares confidences, il a connu une enfance nomade, vécu une histoire d’amour manquée, et pratiqué la magie. A présent, ce saltimbanque égaré est presque une ombre. Il s’anime surtout pour aller boire un verre au bistrot local.
Le film, d’une classe inouïe, cultive la légende de Silva. On voit ainsi celui-ci se dédoubler et dialoguer avec lui-même. On lui adjoint une jeune confidente, Anna, avec laquelle il traînasse et devise. Ce pseudo-Mexicain qui erre dans les vallons de l’arrière-pays du Portugal, accompagné par un vieil air d’accordéon, est un cousin des losers fantomatiques de Béla Tarr. Rio Corgo a un air de famille avec ce cinéma archaïque. Cet essai, entre mythe et réalité, ne bouscule pas le spectateur mais il le fait glisser dans une mélancolie sans fin et sans fond.
Rio Corgo de Maya Kosa et Sergio Da Costa (Port., 2016, 1 h 35) en salle le 26 juillet
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