Nouvelle crête dans une carrière en montagnes russes, Ridicule tend à dévoiler les liaisons dangereuses du langage.
La carrière de Patrice Leconte ressemble à un long parcours de montagnes russes, où parmi une longue succession de descentes (Les Bronzés font du ski, le terrible Parfum d’Yvonne, ou encore Les Spécialistes, un film d’action beckettien où Giraudeau et Lanvin liés par une paire de menottes escaladaient une montagne pour rien) émerge une série de sommets. Parmi eux : Tandem, Monsieur Hire, Le Mari de la coiffeuse. Ridicule s’inscrit incontestablement parmi les hauts. En s’attaquant à une histoire de courtisan issu d’une famille d’ancienne noblesse de province tombée dans la précarité, décidé à tout pour atterrir à la cour de Louis xvi et le convaincre de lui donner son aval pour un projet d’assèchement des marais de sa région, Patrice Leconte choisit un sujet complexe dont les difficultés sont réelles, avec le risque de tomber dans la reconstitution historique pesante et dans l’académisme des films en costumes. Mais Ridicule évite l’écueil sur lequel sont venus récemment s’échouer des films comme La Folie du roi George, Beaumarchais ou Restauration, englués dans le piège de la représentation historique poussiéreuse, incapables de donner une résonance actuelle au sujet qu’ils traitaient. L’ascension de Grégoire Ponceludon de Malavoy (formidable Charles Berling dont c’est le premier grand rôle au cinéma après quelques apparitions dans Petits arrangements avec les morts ou Nelly et Monsieur Arnaud ) ressemble à celle de n’importe quel provincial débarquant à Paris, désireux de s’attirer les faveurs d’une cour, jouant son destin comme s’il s’agissait d’un jeu d’échecs. La règle du jeu dans lequel se trouve précipité Ponceludon s’appelle l’esprit. Il suffit d’un bon jeu de mots, d’une phrase pleine de finesse pour s’attirer les faveurs de la Cour, et d’un mauvais calembour pour s’en trouver exclu et condamné au ridicule. Proche de Barry Lyndon par l’éclairage de certaines scènes de dîner et des Liaisons dangereuses pour l’atmosphère délétère qui s’en dégage, Ridicule s’attache à mettre en valeur un des éléments du roman de Laclos. Les liaisons dangereuses ne sont plus seulement celles qui se nouent entre les différents personnages, ce sont aussi celles du langage. Ce Ridicule ne tuera pas son auteur.
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